S&F_scienzaefilosofia.it

Le médecin des sauvages: le jongleur

Autore


Sara Petrella - Aldo Trucchio

Université de Genève

Doctorante ès Lettres au sein du Département d’Histoire de l’art de l’Université de Genève

Indice


  1. Introduction
  2. Histoire sémantique
  3. Le regard sur l’Autre
  4. Histoire des images
  5.  L’exportation d’un conflit
  6.  Epilogue

↓ download pdf

S&F_n. 13_2015

Abstract



The term «jongleur» is currently employed in Quebequois French with reference to the shaman-healer of the Amerindians. The authors explore the history of the peculiar conflation between a typical medieval character and the doctor of the «savages», through the texts and images that first provided its description between the XVI and XVIII Centuries. Their aim is to show how the representations of this character result from the encounter of different pre-existing iconographic traditions and, especially, how they express the political and religious conflicts raging in Europe at the time.


  1. Introduction

Dans la langue française, les «hommes-médecine» ou «faiseurs de médecine» amérindiens[1], qui parlent avec les esprits et qui guérissent les malades, sont désignés par le terme «jongleur» jusqu’au XIXe siècle[2]. Dès le XVIIIe siècle, un mot issu du tongouse et employé pour décrire la «vie magico-religieuse» sibérienne commence à se diffuser: chaman[3]. Durant près d’un siècle, les deux mots, «jongleur» et «chaman», se côtoient dans les dictionnaires: le premier, plus fréquent, peut aussi bien désigner le médecin-sorcier des sauvages en général que celui d’Amérique, alors que le second reste plus spécifiquement associé à la Sibérie[4]. A partir du milieu du XIXe siècle, le sens de «chaman» «s’élargit» progressivement[5], au point d’être employé, vers 1900, aussi bien pour la Sibérie, que pour le reste de l’Asie, de l’Amérique du Sud et du Nord, de l’Antiquité grecque et germanique et même, de l’Afrique. En 1903, dans son article consacré au chamanisme, Arnold van Gennep ne fait pas mention du jongleur et il concentre son attention (et ses critiques) sur la notion de «chamane [qui], on le sait, est un sorcier qui ne se distingue de rien, essentiellement, des hommes-médecine amérindiens, nègres, malais, etc.»[6]. Excepté en français québécois où il est encore aujourd’hui synonyme de «sorcier»[7], «jongleur» tombe donc en désuétude au XXe siècle et il est définitivement remplacé par «chaman» pour désigner cette «sorte d’homme»[8]. Puisque «jongleur» précède «chaman» et qu’il semble en conditionner la définition (caractérisée par la guérison et le contact avec les esprits), il nous paraît nécessaire de revenir sur le contexte qui a vu la re-sémantisation du «jongleur» au XVIe siècle, peu étudiée dans la littérature secondaire[9].

À notre sens, c’est grâce à son extraordinaire «disponibilité métaphorique»[10] que cette image a pu se superposer à celle du guérisseur-sorcier. Nous tenterons de reconstituer l’histoire de cette juxtaposition en faisant appel à un travail de recherche interdisciplinaire qui traverse l’histoire de l’art et l’histoire de la médecine, l’histoire des mots et des idées ainsi que l’histoire des découvertes géographiques.

Notre analyse sera développée dans deux parties distinctes. Pour commencer, nous parcourrons à reculons l’histoire sémantique de l’utilisation du terme «jongleur» pour désigner l’«homme-médecine» des Amérindiens. Ensuite, nous esquisserons, chronologiquement cette fois, l’histoire des premières représentations visuelles de cette figure.

Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une enquête plus vaste portant sur le remploi de motifs médiévaux dans les représentations scientifiques modernes (XVIe-XIXe siècles) ainsi que la mise en place, en Europe, d’un système de traduction et de normalisation de la figure du sauvage (à partir de la fin du XVIe siècle).

 

  1. Histoire sémantique

L’utilisation du terme «jongleur» pour désigner un guérisseur amérindien est largement attestée au début du XIXe siècle: il est employé par des auteurs aussi célèbres que René de Chateaubriand dans ses nouvelles Atala (1801) et Les Natchez (1826). Selon le Trésor de la langue française[11], la première occurrence de «jongleur» dans le sens de «devin-guérisseur» apparaîtrait en 1732 dans les Aventures de M. Robert Chevalier, dit de Beauchêne d’Alain-René Lesage. Toutefois, en quittant le domaine de la fiction, nous pourrions trouver un emploi antérieur.

En 1723, Jean-Frédéric Bernard publie à Amsterdam le premier volume des Cérémonies et coutumes religieuses des peuples idolâtres, illustré avec des gravures de Bernard Picart. Il s’agit d’un des ouvrages les plus célèbres jamais écrit sur la religion, dont l’influence est immense dès sa parution[12]. Dans la section consacrée aux sauvages d’Amérique, la description d’un rite de guérison est accompagnée d’une vignette intitulée: «Jongleur qui vient guérir un malade».

D’emblée, il est possible d’affirmer que la gravure n’est ni neutre ni objective et qu’elle est plutôt construite à partir d’une série de topoï: le sauvage y est représenté presque nu, dansant de manière frénétique et désordonnée, le visage déformé par une grimace. Le malade, pour sa part, est également à moitié nu, et son état est reconnaissable par des codes tout à fait occidentaux: il a un bandage sur la tête et il est couché dans un lit, avec une couverture et même un oreiller. De plus, à son chevet, une table de nuit est couverte par une nappe sur laquelle ont été posés, entre autres, un verre et un plat. Il s’agit selon toute vraisemblance des restes de son dernier repas. Pour ce qui touche au texte, voici comment l’auteur décrit la scène:

Ce Jongleur vient voir le malade, & l'examine fort soigneusement, promettant en même temps de faire déloger le mauvais esprit. D’abord il se retire seul dans une petite tente faite exprès, ou il chante, dance & hurle comme un loup-garou: ensuite, il vient sucer le malade en quelque partie du corps, & lui dit, en tirant des osselets de sa bouche, que ces osselets sont sortis de son corps, qu’il prenne courage, puisque la maladie est peu de chose, & qu’afin d’être plutôt guéri, il doit envoyer les esclaves… à la chasse aux Elans et au Cerfs… dont sa guérison dépend. C’est par des artifices presque aussi grossiers que nos Charlatans tachent de se maintenir en Europe[13].

Or, comme c’est souvent le cas chez Bernard, ce texte a été repris fidèlement d’un autre ouvrage: les Mémoires de l’Amérique septentrionale (1703) de Louis Armand de Lom d’Arce, mieux connu sous le nom de Baron de Lahontan[14]. Cet officier de marine originaire du Béarn a vécu en Nouvelle France pendant dix ans, de 1683 à 1693, durant lesquels il s’est entièrement consacré à sa vocation d’observateur et d’écrivain. Ses récits de voyages sont parmi les plus lus du XVIIIe siècle et ils inspirent même Pierre François-Xavier de Charlevoix, dont l’impact et l’influence seront tout aussi durables.

De Lahontan à Bernard, on relèvera une différence sensible dans la description du jongleur. Bernard a supprimé l’observation polémique de Lahontan concernant les hurlements émis par les jongleurs durant leurs rituels, qui auraient «donné lieu aux Jésuites de dire que le diable parle avec eux»[15]. Si Lahontan, catholique, mais proche des huguenots[16], souffre d’une réputation de libertin, c’est précisément à cause de ses provocations à l’encontre des jésuites – qui lui vaudront, soit dit en passant, tant le succès durant les Lumières, que l’oubli au XIXe siècle. Ainsi Lahontan et, après lui, Bernard, distinguent une dimension superstitieuse, qui réunit les jésuites et les sauvages, d’une autre, qu’on pourrait définir scientifique. Avant eux, Louis Hennepin déjà, dans sa Description de la Louisiane (1683), ne considérait pas les jongleurs comme des autorités religieuses, mais plutôt comme des «Charlatans […] qui vivent au dépenses d’autruy, en contrefaisant les Medecins»[17]. Lahontan va jusqu’à formuler une hypothèse rationalisante sur l’origine du jongleur: il s’agirait, selon lui, d’une personne qui a guéri d’une maladie grave et qui «est assez fou, pour s’imaginer qu’il est immortel, & qu’il a la vertu de pouvoir guérir toutes sortes de maux en parlant aux bons et aux mauvais Esprits»[18] – au passage, on pourrait ajouter une allusion au fait que le chaman, dans les études récentes, est parfois qualifié de «fou guéri»[19]. L’explication de Lahontan constitue une réponse à la tradition ancienne et diffuse, qui rapproche le sauvage et les démons. René de Goulaine de Laudonnière, dans son Histoire notable de la Floride (1586), affirme que les Amérindiens «ont leurs prestres, auxquels ils croient fort, pour autant qu’ils sont grands magiciens, grans devins, et invocateurs de diables»[20]. Cette considération est reprise dans l’Histoire de la Nouvelle France de Marc Lescarbot (1609) et on la trouve même chez Samuel de Champlain (1603), d’après lequel, parmi les sauvages, il y en aurait «qui parlent au Diable visiblement; & leur dict ce qu’il faut qu’ils fassent tant pour la guerre que pour autres choses»[21]. Dès les premières conquêtes américaines, les auteurs n’ont eu de cesse de condamner les rites démoniaques pratiqués par les indigènes. Il est intéressant de rappeler que dans les représentations cartographiques, l’Amérique a été placée à l’endroit même où les traditions antique et médiévale situaient les portes des enfers. Les premières représentations du Nouveau Monde mettent encore en scène des sauvages parmi des monstres et des démons (J. de Léry, Histoire d'un voyage faict en la terre du Bresil, Genève, A. Chuffin, 1580)[22]. Cette représentation, loin de disparaître, demeure ainsi dans l’imaginaire des voyageurs. Encore chez Lesage, en 1732, le jongleur serait capable de communiquer directement avec un démon[23].

Suivons désormais la trace indirectement suggérée par Lahontan, en lisant les premières relations des missionnaires jésuites. L’analyse de ces écrits permet d’affirmer que le terme «jongleur» y est prépondérant. «Jongleur» et «jongleries» apparaissent sept fois dans le récit de voyage de 1641 de Barthélémy Vimont, sept fois dans la relation de 1640 de Pierre Le Jeune, six fois dans celle de 1637 et pas moins de quinze fois dans celle de 1636. Dans la toute première relation, rédigée par Pierre Biard à l’occasion de son voyage de 1611 et publiée en 1616, l’auteur emploie une seule fois le terme «jongleur» comme synonyme de «sorcier» dans le chapitre De la Médecine des sauvages[24] – et ce, malgré le fait qu’il connaisse le terme autochtone «autmoin». Biard ne reconnaît aucune distinction entre les autorités médicales et religieuses chez les sauvages. C’est la raison pour laquelle le faux médecin est aussi un religieux malfaisant ou, en d’autres termes, un sorcier. Les textes plus anciens, rédigés aussi bien par des explorateurs, des religieux, des commerçants et des militaires étant peu nombreux, il est possible d’affirmer que celle de Biard est la première occurrence du terme «jongleur» pour qualifier celui qui, parmi les Amérindiens, semble revêtir un double rôle religieux et médical. Mais quel lien existe-t-il entre le jongleur et le sorcier?

Pour répondre à cette question, il convient de s’arrêter sur l’histoire de ce mot. Le terme «jongleur» dérive du latin «joculator» qui renvoie à «railleur», «bon plaisant» (de «joculus», diminutif de «jocus», qui peut signifier «jeu, farce ou moquerie»). C’est seulement à partir de la première moitié du XVIe siècle qu’il prend le sens qu’on lui connaît aujourd’hui, à savoir celui de «bateleur et saltimbanque» et de «prestidigitateur et illusionniste», alors qu’avant il désignait plutôt des artistes vagabonds, musiciens, conteurs-troubadours et bouffons de cour[25]. Pour les Pères de l’Eglise, la danse a une charge démoniaque[26]. Ensuite, au XIIIe siècle, Thomas d’Aquin et d’autres distinguent les jongleurs et les acrobates qui sont «utiles à la réfection de la vie humaine», de ce qui chantent des «cantilènes lascives», qui dévoilent et contorsionnent leur corps et qui amusent leur public avec des mensonges[27]. Le jongleur peut donc être à la fois un imposteur, puisqu’il pousse à croire en des choses qui n’existent pas, et un pécheur qui, par son chant et son corps, peut inspirer le péché et la luxure aux hommes.

Cette figure composite, sur laquelle nous nous arrêterons dans la seconde partie de cette étude, réunit une grande habileté physique, l’illusionnisme, la folie et la proximité avec le démon. Elle est reprise par les premiers jésuites français qui débarquent en Amérique du Nord durant la première moitié du XVIIe siècle. En effet, dans la description de Biard, tous ces aspects sont mélangés: le jongleur susurre des «enchantements» à l’oreille du malade; il prétend pouvoir dissiper son mal en lui soufflant dessus; il chante; il danse; il hurle; il bave; il se démène en gesticulant; il feint d’être un exorciste capable de chasser le démon qui est la cause de la maladie; il blasphème et il trompe les proches du malade par des jeux de prestige. Agissant de la sorte, il gagne sa vie, sans rien donner de concret en échange[28].

Biard est donc le premier à utiliser le terme «jongleur» comme synonyme de «sorcier», de «charlatan» et de «guérisseur». L’image que ce terme évoque est si forte et efficace qu’elle en vient à s’imposer tout de suite, non seulement parmi ses confrères jésuites, mais également parmi tous ceux qui cherchent à décrire ces personnages inclassables, à tel point qu’il ajoute une acception nouvelle à un mot par ailleurs très ancien.

  1. Le regard sur l’Autre

Sommes-nous enfin arrivés à l’origine de l’emploi du terme «jongleur» pour désigner le médecin des Amérindiens? Nous retenons que l’idée même d’«origine» perd de sa signification face à l’inépuisable complexité de l’histoire. Notre tentative, plutôt que de chercher une origine unique, est de «découvrir, de mettre en relation, d’organiser un parcours, de mettre en cause, directement ou indirectement, nos certitudes présentes»[29].

Dans ce but, il faut tenir compte du terme anglais correspondant à «jongleur», c’est-à-dire «juggler». En effet, nous avons repéré une occurrence de ce mot pour désigner le médecin des Amérindiens qui est antérieure à tous les exemples susmentionnés. Son histoire nous permettra de compliquer ultérieurement notre réflexion.

À partir de 1582, Thomas Harriot, un mathématicien et physicien licencié à Oxford, est engagé comme précepteur dans la maison de Walter Raleigh, cet écrivain, courtisan et explorateur qui conçoit le projet anglais de colonisation de l’Amérique. Entre 1585 et 1586, Harriot participe, en tant que cartographe et comptable, à l’expédition de Richard Grenville financée par Raleigh en Virginie, sur l’emplacement de l’actuelle Caroline du Nord. John White, géomètre et artiste, part avec lui; il a pour tâche de peindre les peuples indigènes, les animaux et les paysages.

En 1588, Harriot publie à Londres son journal de voyage, A briefe and True Report of the New Found Land of Virginia. Deux ans plus tard, Théodore De Bry, graveur et éditeur originaire de Liège, sélectionne le texte de Harriot pour ouvrir sa collection dédiée aux Grands voyages[30]. Dans son officine de Francfort, il augmente le texte de Harriot avec des gravures tirées des aquarelles de White. Le projet de réaliser une série de publications sur les Grands Voyages naît suite à son séjour à Londres, au cours duquel De Bry rencontre Harriot ainsi que le géographe Richard Hakluyt. Ce dernier a été l’un des enseignants de Harriot à Oxford et il a également insufflé à Raleigh l’idée de conduire l’Angleterre à devenir une puissance maritime[31].

Parmi les aquarelles de White, il y en a une intitulée The flyer. Elle n’est accompagnée d’aucun texte et d’aucun commentaire. C’est pourquoi il nous est impossible de savoir exactement quel aurait pu en être le modèle. Dans cette illustration, les indices formels à disposition du lecteur pour décrypter l’image sont la nudité de l’homme, l’oiseau placé au-dessus de son oreille et une corde qui lui ceint la taille et à laquelle sont accrochées une peau de bête et une bourse. Cette peinture devrait représenter un Algonquin, peut-être de la branche des Secontans qui peuplaient l’ancienne Virginie[32]. Toutefois, en voulant reconnaître le personnage uniquement par ses attributs, le lecteur de l’époque risquait plutôt d’y voir le dieu Mercure, le messager volant (flyer) des dieux antiques, protecteur du commerce et des voyages, caractérisé par sa pose, son casque ailé et sa bourse.

Quand l’aquarelle de White est reproduite sous forme de gravure par Gijsbert van Veen sur commande de De Bry, elle fait suite au récit de voyage de Harriot et elle est également accompagnée d’un texte de présentation.

   (Ill. 1)                                                                  (Ill. 2)

                                                                                                                                 

Cette gravure met en scène une figure en buste dans un paysage. Son bras gauche, situé à angle droit au-dessus de sa tête, son bras droit tendu et légèrement ouvert ainsi que sa jambe gauche, pliée vers l’arrière, donnent l’impression qu’il tente d’atteindre les côtés d’un rectangle invisible. Quant au paysage, il est surtout présenté comme un lieu exploitable, avec abondance d’eau, présence de gibier, climat tempéré et végétation accueillante. La gravure est intitulée de manière différente dans chacune des quatre éditions: Præstigiator en latin, The coniuerer en anglais (ill. 1), Der Schwartzkünstler oder Zauberer en allemand et, enfin, L’enchantheur ou Le magicien selon les deux variantes françaises. Dans le texte qui accompagne l’édition anglaise, on peut lire: 

They have comonlye coniurers or juglers which use strange gestures, and often contrarie to nature in their enchantments: For they be verye familiar with devils, of whome they enquier what their enemys doe, or other suche thinges[33].

En tenant compte du fait que ce texte descriptif n’est pas présent dans le récit de Harriot et qu’il est rédigé à l’occasion de la parution du livre de De Bry, nous pourrions commencer à soupçonner le juggler d’être une invention toute londonienne.

Le texte, dans toutes ses versions, insiste sur la gestuelle de ces «enchantheurs» qui, lors de leurs «conjurations», font «des grimasses merveilleuses et bien souvent contraires à nature». La raison de ces contorsions est leur «grande frequentation avec les Diables, pour sçavoir de luy ce que leurs ennemis font, ou autres choses semblables qu’ils désirent entendre»[34]. «Grimasses», ici, ne semble pas se limiter aux déformations faciales, mais fait plutôt référence à une gestualité jugée anormale, comme le désigne mieux l’anglais par l’expression «strange gestures». Ce point est capital, car l’iconographie du jongleur, non pas le personnage exotique, mais la figure médiévale, se caractérise précisément par sa gesticulation.

White, lorsqu’il se rend en Virginie, réalise une série d’aquarelles. Ce fait ainsi que la technique de peinture aquarellée, qui donne l’impression d’une saisie sur le vif, confère à ses images un statut d’authenticité. De Bry, quant à lui, s’inspire de White pour réaliser les gravures de ses Grands voyages, comme c’est le cas de L’enchantheur réalisé d’après le flyer de White, afin de créer l’illusion de donner à voir du réel, pour permettre à ses lecteurs de faire l’expérience du tout autre.

Cependant, les illustrations du Nouveau Monde, du XVe au XVIIIe siècle, ne fonctionnent pas systématiquement d’après un rapport mimétique vis-à-vis de la nature. Elles ne tiennent quasiment pas compte des différences culturelles, ethniques et topographiques qui séparent, par exemple, les Caraïbes du Canada[35], mais elles se basent plutôt sur une tradition iconographique. Nous avançons l’hypothèse, pour le cas du flyer de White, que sa mise en image dépend davantage de l’imagerie médiévale que des Grandes conquêtes.

  1. Histoire des images

A partir du XIe siècle, à travers l’Europe, le jongleur est présent dans les sculptures des églises, dans les manuscrits enluminés et même, dès le XVe siècle, dans les estampes[36]. Pour schématiser, on pourrait dire que sa représentation imagée s’articule autour de trois types, qui peuvent néanmoins se superposer ou se confondre: l’acrobate, le dresseur d’animaux et le danseur-musicien. L’acrobate est le plus souvent dépeint cambré vers l’arrière, à tel point que ses mains touchent généralement le sol (Vézelay, Portail de la Pentecôte, Médaillons de l’archivolte; Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, Ars. 3516, fol. 127 ; Paris, Musée de Cluny, Stalle provenant de l’église de Saint-Lucien de Beauvais ; Hans Burgkmair, Die Gaukler, Staatliche Museen zu Berlin, Kupferstichkabinett). Le jongleur peut ensuite se faire dresseur d’animaux, le plus souvent grâce au son de la vielle ou du tambourin (Londres, British Library, Alphonso Psalter, f. 17v; Cambridge University Library, MS Dd. 5. 5, f. 55r ). Enfin, il peut apparaître en mouvement, seul ou face à un musicien, avec ou sans objet entre ses mains (par ex. un instrument de musique ou des objets de jonglage)[37]. C’est sur cette dernière figure que nous nous arrêterons.

Henri Focillon, dans son essai sur les apôtres et les jongleurs dans la sculpture romane, commente une figure d’archivolte provenant d’une maison de Bourges (aujourd’hui au Musée de Lyon)[38] dont la gestuelle et la posture nous semblent très proches de celles du jongleur de White. D’une main, qu’il tient ouverte au-dessus de sa tête, le jongleur vient de lancer une balle qu’il s’apprête à recevoir dans l’autre, à côté de sa hanche. Focillon décrit son «corps […] gracieusement rejeté en arrière» et ses jambes, celle de gauche tendue en avant, celle de droite effleurant le sol[39]. Ce type de représentation du jongleur-danseur est attesté et bien étudié depuis l’article de Focillon: il existe des occurrences aussi bien dans l’enluminure (Bodleian Library, M. S. Douce 5, fol. 38), que, plus tard, dans la gravure (Israhel van Meckenem, De jongleur en de vrouw, Amsterdam, Rijksmuseum). Il faut ajouter que cette pose topique se retrouve comme mode de représentation de la danse et de la jonglerie dans des scènes illustrant des festins endiablés, au sens littéral (quatrième registre à droite de «La Tentation», in Maître Ermengaut, Bréviaire d’amour, Madrid, Biblioteca Monasterio del Escorial), et des danses macabres (gravure d’après la danse macabre de Lübeck, Marienkirche, 1463[40]).

Le jongleur médiéval se caractérise donc par son corps toujours «in movimento e spettacolarizzato»[41]. Celui-ci est déformé par des contorsions acrobatiques et des gesticulations anti-naturelles[42]. Par l’altération de l’image parfaite de Dieu, incarnée dans son corps d’homme[43], le jongleur entre dès lors en écho avec les représentations de monstres et de démons[44]. De plus, ses «mouvements désordonnés» seraient liés à un désordre de l’âme, la gesticulation excessive étant corollaire de l’indécence et de l’excès[45]. La figure du jongleur peut parfois s’opposer à celle du bon chrétien de la même manière que l’image de l’insensé, du fou qui méconnaît Dieu et qui se lie au Diable, représente le reflet inversé de l’homme sain d’esprit[46]. La nudité caractéristique du jongleur (signifiée par l’exposition de ses jambes) peut se voir associée à la pauvreté tout comme elle peut renvoyer à la folie ou à l’humiliation, c’est-à-dire à la figure de l’insipiens[47]. Le fou est en effet représenté toujours nu ou demi-nu et il a pour attributs fréquents un bâton (massue, marotte ou hochet) dans une main et des plumes sur la tête (L’insipiens. Psaume 52. Psautier lat. du xive siècle[48]). Il s’agit là, d’ailleurs, des mêmes éléments qui sont d’emblée attribués aux Tupinambas qui vivent sur la côte brésilienne (J. Froschauer, Scène de cannibalisme avec Tupinambas, in A. Vespucci, Mundus novus, Augsbourg, 1505)[49] et qui demeurent encore aujourd’hui fixés à la représentation stéréotypée de l’Indien d’Amérique[50].

De plus, certains auteurs, comme Bernard de Clairvaux, loin de proposer un modèle dichotomique qui opposerait le jongleur au bon chrétien, opèrent une «transposition mystique»[51]: la pauvreté dans laquelle il vit et l’humiliation qu’il subit dans le monde font du «turpis histrio»[52] une figure analogue à celle du moine, voire du Christ[53]. Cependant, le motif de la pauvreté est hautement ambivalent: pris du bon côté, il renvoie à l’humilité du moine, considéré du mauvais côté, il renvoie à la nécessité de se prostituer, d’arnaquer et de voler pour survivre. Ainsi, le jongleur fait usage de la scurrilitas (l’excès de parole et le mensonge) car il doit vendre ses tours à tout prix[54]. Le jongleur est donc le plus souvent un coniuror, un charlatan dont il faut se méfier.

Chaque image appelle dans la tête de celui qui l’observe ce que Louis Marin désigne comme «un bruit visuel […] qui fait que, dans l’image regardée ici maintenant, glisse une autre, une autre encore, qu’elle convoque, malgré que j’en aie, et qui la brouille cependant […]»[55]. Le flyer/juggler de White-De Bry, avec sa nudité ainsi que sa position dynamique et suspendue, évoque, chez l’observateur, un bruit visuel nourri d’images issues de traditions iconographiques et littéraire qui mêlent le religieux et le démoniaque, l’arnaque et le mensonge, la gesticulation incontrôlée et les grimaces, la folie et le péché.

 

  1. L’exportation d’un conflit

Dans l’Angleterre de la Réforme anglicane, le terme «juggler» est courant dans les discours anticatholiques et même le Pape peut être accusé de pratiquer des «conjurations»[56]. Le rituel catholique y est parfois décrit comme une «jugglerie» qui aurait pour but de charmer les croyants ainsi que comme une forme de sorcellerie et d’invocation du Diable[57]. Les gestes des prêtres sont ridiculisés au moyen de la comparaison[58]: le vrai chrétien n’a pas besoin d’autant de cérémonies et encore moins d’adorer les Saints et leurs statues, systématiquement comparés à des idoles. De manière explicite, les adhérents à la Réforme protestante, dans toutes ses variations européennes, opposent une religion de l’intériorité et du dialogue individuel avec Dieu à une religion de la gesticulation et du clergé comme médiateur entre les hommes et la divinité. La vérité et la foi ne sont pas dans les cérémonies collectives, mais dans l’esprit de l’individu[59]; la maîtrise de son propre corps devient l’une des prémisses pour le contrôle de l’esprit. Ainsi peut naître, sur le modèle du jongleur médiévale, la comparaison péjorative entre le devin-médecin des Amérindiens et les clercs catholiques.

De plus, tous les acteurs impliqués dans le projet des Grands voyages sont en conflit avec les catholiques. Tout d’abord, une rivalité pour le contrôle du nord de l’Amérique oppose les Anglais aux Français catholiques. Les textes de Raleigh et de Hakluyt ont une fonction idéologique en vue de la colonisation du nord de l’Amérique. Ensuite, il y a les Guerres de religion qui agitent l’Europe. Hakluyt qui est également un théologien devient ministre en 1578, alors que Harriot a la réputation d’athée et que De Bry, lui aussi protestant, a été obligé de quitter sa ville natale pour fuir les persécutions des catholiques. Dans la littérature sur l’altérité religieuse, tout comme dans les pamphlets violents adressés contre les catholiques, les auteurs huguenots et protestants assimilent le sauvage, avec ses officiants gesticulants et ses idoles, au catholique. Comme l’a bien relevé la critique, il arrive que De Bry joue de l’analogie entre le sauvage et le catholique pour conférer à ses Grands voyages une charge polémique : on pourrait donc imaginer que l’image et la description du juggler contiennent également une allusion aux prêtres catholiques.

Il est établi qu’à cette époque, en Amérique du Nord, les contacts et les conflits entre Anglais et Français sont fréquents et qu’il arrive parfois que des huguenots français se mettent au service des Anglais[60]. Toutefois, il est impossible de savoir si l’utilisation du terme «jugler» de la part de De Bry a pu influencer celle de «jongleur» par les jésuites français. Dans tous les cas, les jésuites, qui connaissent parfaitement la tradition médiévale du jongleur, taxent tout de suite de «jongleries» les cérémonies des devins-guérisseur qu’ils observent en Virginie.

La représentation classique occidentale de l’Amérindien, dont nous sommes les héritiers, ne naît donc pas d’une véritable rencontre avec l’Autre et encore moins de la volonté de le comprendre, mais d’un effort de domination ainsi que de l’exportation d’un conflit économique, politique et religieux européen au-delà de l’Atlantique.

  1. Epilogue

La gravure de De Bry, mise en série et largement diffusée, est, durant plus de deux siècles, un modèle incontournable pour tout ce qui a trait aux coutumes des Américains. Ses estampes n’ont de cesse d’être copiées et regravées.

Dans une reprise gravée du début du XVIIe siècle, deux figures présentes chez De Bry sont représentées devant une idole: le «Coniurer» et le «Priest» (J. Smith, The Generall Historie of Virginia…, London, M. Sparks, 1624, p. 40). Au début du XVIIIe siècle, l’éditeur Jean Frédéric Bernard préserve à son tour le modèle de White-Bry et dispose dans une même planche le «devin», qui chez De Bry était désigné comme un prêtre, et le jongleur, sans toutefois les différencier (Relation de la Louisiane, Amsterdam, 1720). Comme cela a déjà été dit, trois ans plus tard, le même Bernard publie les Cérémonies et coutumes religieuses au sein desquelles le jongleur réapparaît (Zürich, Stiftung der Werke von C. G. Jung). Non plus accompagné d’un prêtre ni même entouré de musiciens, d’animaux et de danseurs, il fait face uniquement à un malade. De plus, dans l’illustration de Picart, le jongleur a perdu les seuls attributs ethnographiques que White et De Bry lui ont conférés (oiseau sur la tête, peau de bête, bourse et paysage exotique): il est réduit à un corps nu, gesticulant et grimaçant. Mais ses services s’avèrent inutiles et ce n’est pas un hasard si la scène est insérée dans la planche consacrée aux rites funéraires. D’ailleurs, le texte de Bernard contient une allusion satirique aux médecins occidentaux: «[…] aussi arrive-t-il souvent que [l’opération du jongleur] est reïterée plusieurs fois de suite sans succés. Il est vrai que c’est aux dépens du malade, mais chez eux tout comme ici il vaut mieux nuire au malade qu’à l’art»[61].

A la fin du XVIIIe siècle, on continue de désigner le guérisseur des Amérindiens par le terme «jongleur» (par ex. le «Jongleur Iroquois» de L. F. Labrousse et J. Laroque, Encyclopédie des voyages, Paris, 1796) et on le retrouve encore, au XIXe siècle, en mouvement («Jongleur», maquette numéro 7 in Les Mohicans, ballet-pantomime, d’Antonio Guerra d’après James Fenimore Cooper).

Cependant, l’histoire qui lie le jongleur au sauvage ne s’arrête pas là. Avec la fin du XIXe siècle et l’invention des zoos humains, l’Amérindien est à nouveau représenté en jongleur, non plus pour ramener l’inconnu dans le domaine du connu, mais pour faire valoir son rôle réel dans les nouveaux cirques ambulants (cf. ill. 2). En observant les images de White-De Bry, nous n’entrons pas en contact avec les Amérindiens, nous ne les voyons pas, nous ne pouvons même pas savoir s’il y a jamais eu un sujet réel qui les a inspirés. Dans l’affiche de l’«Indien Tou-Tainsko», en revanche, l’objet et son image correspondent parfaitement, au sein de ce nouveau type de représentation qualifié de «spectacle de l’Ailleurs»[62]. L’altérité a été neutralisée, le sauvage n’a plus rien d’étrange, il est parfaitement reconnaissable.

Les spectateurs vont le voir au cirque, en famille, et ils se divertissent.

 

  (Ill. 3)

 

 

Références des illustrations:

Ill. 1: Th. de Bry et G. van Veen, The coniuerer, in A briefe and True Report of the New Found Land of Virginia, Th. de Bry, Francfort 1590, pl. XI (archive des auteurs).

Ill. 2: Th. de Bry et G. van Veen, L’enchantheur, in Merveilleux et estrange rapport, toutesfois fidèle, des commoditez qui se trouvent en Virginie…, Théodore de Bry, Francfort 1590, pl. XI. Paris, Bibliothèque nationale de France, RES G-370.

Ill. 3: Charles Lévy, L’incomparable jongleur, l’indien Tou-Tainsko, Paris 1890. Source: gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.


[1] P. W. Halford, «Je suis un peu au fait du dictionnaire huron: je comprends leurs façons de parler métaphorique»: métaphores amérindiennes en français et en anglais, in M.-R. Simoni-Aurembou (éd.), Français du Canada-Français de France, Actes du cinquième colloque international de Bellême, 5-7 juin 1997, Max Niemeyer, Tübingen 2000, p. 156. Nous tenons à remercier ici Philippe Borgeaud et Jean Wirth pour leurs conseils et suggestions.

[2] G. Flaherty, Shamanism and the Eighteenth Century, Princeton University Press, Princeton 1992, p. 6.

[3] M. Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques d’extase (1951), Payot, Paris 2002, p. 22.

[4] Dans le Dictionnaire Trévoux (Paris, 1771, vol. 5, p. 240) ainsi que dans les Dictionnaire de l’Académie française de 1835 (Paris, vol. 2, p. 73) et de 1865 (vol. 2, p. 73), on ne trouve que «jongleur». L’Encyclopédie universelle de Diderot et d’Alembert (Paris, 1751-1765) consacre une rubrique à la fois au «schaman» (vol. 14, p. 759) et au «jongleur» (vol. 8, p. 875), tout comme, après elle, le Dictionnaire de Bescherelle (Paris, 1865, vol. 1, p. 857 et vol. 2, p. 295). Dans le Nouveau dictionnaire français de J. George (Paris, 1876) et dans le Dictionnaire universel de P. Larousse (Paris, 1867-1890, vol. 3, p. 867, vol. 9, p. 1013), «jongleur» ne désigne plus le médecin-sorcier des sauvages et «chaman» renvoie aux «prêtres indiens».

[5] B. Hell, Possession et chamanisme. Les maîtres du désordre, Flammarion, Paris 1999, p. 23 et M. Perrin, Chamanes, chamanisme et chamanologues, in «L’homme», t. 37, 142, 1997, p. 90.

[6] A. van Gennep, De l’emploi du mot «chamanisme», in «Revue de l’histoire des religions», 47, 1903, pp. 51-57.

[7] Cf. L. Bergeron, Dictionnaire de la langue québécoise, VLB, Montréal 1981, p. 284.

[8] A. Van Gennep, op. cit.

[9] On en trouve une allusion dans P. C. Mancall, Illness and Death among Americans in Bernard Picart’s, in L. Hunt, M. Jacob et W. Mijnhardt (éds.), Bernard Picart and the First Global Vision of Religion, Getty Publications, Los Angeles 2010, pp. 271-291.

[10] J. Starobinski, La relation critique, Gallimard, Paris 1970, p. 200.

[11] http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2322950805

[12] Cf. L. Hunt, M. Jacob, W. Mijnhardt (éds.), Bernard Picart and the First Global Vision of Religion, cit. et L. Hunt, M. Jacob, W. Mijnhardt (éds.), The Book that changed Europe. Picart & Bernard’s Religious Ceremonies of the World, The Belknap Press of Harvard University Press, Cambridge-Londres 2010.

[13] Cérémonies et coutumes religieuses des peuples idolâtres, Jean-Frédéric Bernard, Amsterdam 1723, p. 92 et illustration entre les pp. 98 et 99.

[14] L. A. de Lom d’Arce de Lahontan, Mémoires de l’Amérique septentrionale…, t. II, frères L’Honoré, La Haye 1703, p. 147.

[15] Ibid.

[16] Cf. F. Boisvert, L’influence protestante chez Lahontan, in «Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses», Strasbourg, t. 84, 1, 2004, pp. 31-51

[17] L. Hennepin, Description de la Louisiane nouvellement découverte…, Veuve Sebastien Huré, Paris 1683, p. 20.

[18] L. A. de Lom d’Arce de Lahontan, Mémoires de l’Amérique septentrionale…, t. II, cit., p. 146.

[19] Cf., inter alia, R. Hamayon, La chasse à l’âme. Esquisse d’une théorie du chamanisme sibérien, Société d’ethnologie, Nanterre 1990, p. 30. On pense également à Claude Lévi-Strauss et à son analyse croisée du chaman et du psychanalyste dans L’efficacité symbolique, in «Revue d’histoire des religions», t. 135, 1, 1949, repris dans l’Anthropologie structurale, Plon, Paris 1958. 

[20] R. de Goulaine de Laudonnière, Histoire notable de la Floride située es Indes occidentales, Guillaume Auuray, Paris 1586, p. 10.

[21] S. de Champlain, Des sauvages…, Claude de Monstr'oeil, Paris 1603, p. 11.

[22] Cf. G. Holtz et T. Maus de Rolley (éds.), Voyager avec le diable. Voyages réels, voyages imaginaires et discours démonologiques (XVe-XVIIe s.), PUPS, Paris 2008, pp. 99-125.

[23] A.-R. Lesage, Aventures de M. Robert Chevalier, dit de Beauchêne…, Etienne Ganeau, Paris 1732, p.11.

[24] P. Biard, Relation de la Nouvelle France, de ses terres, naturel du païs et de ses habitans, Louys Muguet, Lyon 1616, maintenant in L. Campeau (éd.), Monumenta Novae Franciae, Rome/Québec, Monumenta Historica Soc. Jesu/Presses de l’Université Laval, 1967, vol. 1, La première mission d’Acadie [1602-1616], p. 501.

[25] Cf. M. Clouzot, Le jongleur. Mémoire de l’Image au Moyen Age, P. Lang, Berne 2011. Sur la figure du jongleur au Moyen Âge, cf. E. Faral, Les jongleurs au Moyen Age, Honoré Champion, Paris 1910.

[26] J. Wirth, en collaboration avec Andreas Bräm, Musique, danse et jonglerie, in Les marges à drôleries des manuscrits gothiques, Droz, Genève 2008, p. 235.

[27] Ces expressions sont reprises de Thomas d’Aquin et Thomas de Chobham et elles ont été commentées in J. Wirth, op. cit., p. 236.

[28] P. Biard, Relation de la Nouvelle France, de ses terres, naturel du païs et de ses habitans, cit., maintenant L. Campeau (éd.), Monumenta Novae Franciae, cit., pp. 500-502.

[29] J. Bonnet, Entretien avec Jean Starobinski, in Jean Starobinski, coll. Cahiers pour un temps, Centre Georges Pompidou, Paris 1985, p. 13.

[30] Cf. le facsimilé paru sous le titre: Voyages en Virginie et en Floride, traduit du latin par L. Ningler et confronté avec les textes anglais, français ou allemands, Duchartre et van Buggenhoudt, Paris 1927.

[31] Cf. P. Hulton (éd.), The American Drawings of John White, The Trustees of the British Museum, Londres 1964; B. Bucher, La sauvage aux seins pendants, Hermann, Paris 1977; M. Duchet (éd.), L’Amérique de Théodore De Bry, CNRS, Paris 1987; M. Bouyer, J.-P. Duviols, Le théâtre du Nouveau Monde, Gallimard, Paris 1997, surtout pp. 129 ss.; K. Sloan (éd.), A New World. England’s first view of America, The British Museum Press, London 2007; M. Gaudio, Engraving the Savage, University of Minnesota Press, Minneapolis-London 2008; S. Clucas, Thomas Harriot’s Briefe and True Report: Knowledge-Making and the Roanoke Voyage, in K. Sloan (éd.), European Visions: American Voices, The British Museum Press, London 2009, pp. 17-23; J.-P. Rubiés, Texts, Images, and the Perception of Savages in Early Modern Europe: What We Can Learn from White and Harriot, in K. Sloan (éd.), European Visions: American Voices, cit., pp. 120-130.

[32] Cf. P. Hulton, op. cit., p. 37 et ss. et B. Bucher, op. cit., p. 16.

[33] Th. Harriot, A briefe and True Report of the New Found Land of Virginia, Théodore de Bry, Francfort 1590, pl. XI. (soulignement ajouté).

[34] Th. Harriot, Merveilleux et estrange rapport, toutesfois fidèle, des commoditez qui se trouvent en Virginie…, Théodore de Bry, Francfort 1590, pl. XI.

[35] Cf. C. Reichler, Représentation et médiation symbolique dans la littérature de voyage, in M. Caraion et C. Reichler (éds.), Mots et images nomades, numéro spéciale de «Études des lettres», 241, 1-2, 1995, pp. 1-12 et S. Chaffray, Corps, territoire et paysage à travers les images et les textes en Nouvelle France, in «Revue d’histoire de l’Amérique française», 59, 1-2, 2005, pp. 7-52. 

[36] Sur l’iconographie du jongleur, voir inter alia: E. Kirschbaum, «Spielmann», in Lexikon der christlichen Ikonographie, Herder, Rom-Freiburg-Basel-Wien 1972, col. 191-192; M. Jullian, L’image de la musique dans la sculpture romane, «Cahiers de civilisation médiévale Xe-XIIe siècles», 30, 1987, pp. 33-44; I. Marchesin, Les jongleurs dans les psautiers du haut Moyen âge: nouvelles hypothèses sur la symbolique de l’histrion médiéval, in «Cahiers de civilisation médiévale Xe-XIIe», 41, 1998, pp. 127-139; M. Camille, Images dans les marges aux limites de l’art médiéval, trad. franç. par B. et J.-C. Bonne, Gallimard, Paris 1997, pp. 77-86; J. Wirth, op. cit., pp. 232 et ss.

[37] Sur le jongleur-musicien, voir surtout M. Clouzot, Images de musiciens (1350-1500), Brepols, Turnhout-Tours pp. 84-132.

[38] H. Focillon, Apôtres et jongleurs (études en mouvement), in «Revue de l’art ancien et moderne», LV, 1929, p. 25.

[39] Ibidem.

[40] W. Stammler, Die Totentänze, E. A. Seemann, Leipzig 1922, fig. 6.

[41] L. Allegri, Teatro e spettacolo nel Medioevo, Laterza, Roma-Bari 1990, p. 64.

[42] J.-C. Schmitt, La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Gallimard, Paris 1990, pp. 261 et ss.

[43] J. Wirth, op. cit., p. 236.

[44] C. Casagrande, S. Vecchio, Clercs et jongleurs dans la société médiévale (XIIe et XIIIe siècle), in «Annales. Economies, Sociétés, Civilisations», 34, 5, 1979, p. 913.

[45] Ibidem.

[46] Cf. M. Clouzot, Musique, Folie et Nature au Moyen Age, P. Lang, Berne 2014.

[47] Il s’agit de l’insipiens tel qu’il apparaît dans le psaume 52 (Dixit insipiens), cf. J. Wirth, op. cit., p. 229; M. Clouzot, op. cit., pp. 123-127.

[48] Image commentée par A. Gross, La représentation de l’insipiens et la catégorisation esthétique et moralee des parties corporelles dans le Buch Der Natur de Konrad von Megenberg, in «Le beau et le laid au Moyen Age», PUP, Aix-en-Provence, pp. 187-211. Cf. F. Pomel (éd.), Cornes et plumes dans la littérature médiévale, PUR, Rennes 2010.

[49] Cf. W. C. Sturtevant, First Visual Images of Native America, in F. Chiappelli, (éd.), First Images of America, Vol. I, University of California Press, Berkeley-Los Angeles-London 1976, pp. 417-454.

[50] M. Marrache-Gouraud, Amérique ? Exotisme ? Marginalité ? Portrait complexe de la plume dans son histoire allégorique, en cours d’impression dans les actes du colloque S’exprimer autrement: poétique de l’allégorie à l’âge classique (York University, Toronto, 10 mai 2014).

[51] C. Casagrande-S. Vecchio, op. cit¸ p. 917; J. Wirth, op. cit., p. 228.

[52] Bernard de Clairvaux, Epistola, XXXVI, PL 182, 217.

[53] Cf. les exemples iconographiques proposés par M. Camille, op. cit. Il faut mentionner le cas célèbre du roi David représenté sous les traits d’un jongleur, dans l’article de référence de J. Leclerc, Ioculator et saltator: S. Bernard et l’image du jongleur dans les manuscrits, in J. G. Plante (éd.), Translatio studii. Manuscripts and Library Studies honoring O. L. Kapsner, St Jonh’s University Press, Collegeville 1973, pp. 124-148.

[54] C. Casagrande-S. Vecchio, op. cit., p. 917.

[55] L. Marin, Détruire la peinture (1977), Flammarion, Paris 19972, p. 8.

[56] Cf. p. ex. R. Scott, The Discoverie of Witchcraft, London 1584, cap. XXV.

[57] Cf. p. ex. P. Whitfield White, Theatre and reformation: Protestantism, Patronage an Playing in Tudor England, Cambridge University Press, Cambridge 1993, pp. 35-37 et p. 198, n. 80.

[58] Cf. H. Estienne, Apologie pour Hérodote, H. Estienne, Genève, 1566, commenté par C. Ginzburg, Provincializing the world : Europeans, Indians, Jews (1704), in «Postcolonial studies», 14, 2, 2011, pp. 136-137.

[59] J. Wirth, La naissance du concept de croyance (XIIe-XVIIe siècles), in «Bibliothèque d'Humanisme et de Renaissance», XLIV, 1983, pp. 7-58.

[60] Cf. p. ex. Th. J. Campbell, Pioneer Priests of North America, 1642-1710: Among the Hurons, American Press, New York 1914, p. 90 et G. Cerbelaud Salagnac, Les français au Canada: du golfe Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses, France-Empire, Paris 1962, p. 46.

[61] Cérémonies et coutumes…, op. cit., pp. 94-95.

[62] P. Blanchard, N. Bancel, G. Boëtsch, E. Deroo, S. Lemaire, La longue histoire du zoo humain, in Zoos humains et exhibitions coloniales. 150 d’inventions de l’Autre, La Découverte, Paris 2011, p. 11.

Lascia un commento

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *