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La naissance du monde: un mythe?

Autore


Philippe Borgeaud

Université de Genève

Professeur honoraire d’Histoire des religions à l’Université de Genève

Indice


  1. Intro
  2. Le miroir des eaux
  3. Le mythe et la question des origines
  4. Briser le silence
  5. La solitude du premier Père
  6. L’énigme originelle
  7. Avant l’invention de la sexualité
  8. Enfin

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S&F_n. 13_2015

Abstract



This is a survey of some cosmogonic myths that explicitly raise the question of the beginnings in terms of enigma. Mud, light, desire, dream, illusion, such are some of the disturbing ways to begin a persuasive story. Something has to be said, a story to be made, and these myths are working in the same way as the story of the big bang addressed today to those who cannot understand it. But these stories are offering, still and always, a serious reflection on what is most simply human.


  1. Intro

Nous analyserons quelques mythes cosmogoniques qui posent explicitement la question du début en termes de vertige, de déplacement, ou d’énigme. Matière première, Nuit, béance, désir, rêve, illusion, autant de formules dérangeantes pour dire ce qui ne peut se dire autrement qu’en un récit persuasif. Il fallait bien raconter quelque chose, comme on raconte aujourd’hui le big-bang à ceux qui ne peuvent le comprendre. Mais à travers ces récits on parle encore et toujours de ce qui est le plus simplement humain[1].

 

 

  1. Le miroir des eaux

Selon une légende médiévale bulgare[2],

Lorsque Dieu créa le ciel et la terre et qu’il vit son ombre sur l’eau, il dit: «Avance, frère, pour être près de moi». Il [l’ombre] avança comme un homme et dieu l’appela Samaël [un nom fameux du Diable].

 

Il s’agit vraisemblablement d’une variante un peu marginale, pour ne pas dire aberrante, relevant d’un cycle de légendes analysées dans les années cinquante du siècle passé par Mircea Éliade dans un article intitulé Le diable et le Bon Dieu. Cet article traitait d’un ensemble de récits faisant intervenir le diable comme complice de Dieu, mais complice fripon, trickster, au moment de la création de la terre à partir d’une petite motte de boue qu’il faut aller chercher au fond de l’eau (c’est le fameux motif, extrêmement diffusé, du plongeon cosmogonique)[3]. Éliade signalait aussi une version finnoise:

Avant la Création du monde, Dieu se trouvait sur une colonne d’or au milieu de la mer. Apercevant son image dans l’eau, il cria: «Lève-toi!» L’image était le Diable.

 

Le regard de Dieu en direction de sa propre image reflétée dans l’eau rappelle aussi une conception gnostique de la chute dans la matière, telle que la décrit le traité hermétique du Poimandrès[4], au début de notre ère: dans ce traité le Nous, l’Esprit, Père de tous les êtres, avait enfanté l’Homme [un Humain, un ánthropos (ἄνθρωπος) d’avant la chute] égal à Lui-même, une image de Lui dont il tomba amoureux. Cet Humain archétypique désire à son tour faire acte de création. Il se penche en direction de la Nature d’en bas qui, découvrant la beauté de cette image, lui sourit d’amour, tandis que l’Homme divin, découvrant sa propre image reflétée dans l’eau, et son ombre sur la terre, voulut s’unir à elles et habiter là.

Dans la légende médiévale, qui fait intervenir le Diable, le reflet séducteur n’entraîne pas le dieu à s’unir à la matière inférieure, aquatique et fangeuse. C’est au contraire de celle-ci que le reflet émerge et prend corps, sommé à l’existence par la parole créatrice de Dieu; ce reflet devient une réplique, une image vivante de Dieu Lui-même.

Cette vision dualiste implique l’existence en dehors de dieu ou du divin d’une matière inférieure, mortelle, sur laquelle le divin se penche. Elle implique du même coup l’existence, en dehors de la matière, extérieur à elle, d’un être transcendant.
Il n’en va pas toujours de même. Le plus souvent, les mythes que nous rencontrerons posent la question de l’origine en des termes qui échappent à un tel dualisme hiérarchisant, d’origine platonicienne. Ou pour le moins, ils ne considèrent pas la matière et le monde comme quelque chose de mauvais, de condamnable. Bien au contraire.

 

  1. Le mythe et la question des origines

La question du début, du tout début, de l’avant-début, de cette chose énigmatique, de cela, voire de ce rien, à partir de quoi un quelque chose fut possible, est en effet posée en des termes souvent très éloignés du dualisme, par de nombreux mythes, issus de nombreuses cultures.

Il serait très difficile de dresser un tableau typologique cohérent des différents modèles cosmogoniques attestés dans les mythologies du monde. On rencontre bien sûr, à côté du motif du plongeon cosmogonique, et renvoyant lui aussi à l’eau primordiale, le motif de l’œuf, d’où jaillit le premier être lumineux, le premier manifesté, dans la nuit originelle; on rencontre encore le motif très répandu de la séparation du ciel et de la terre, ou celui du démiurge travaillant à la création à partir d’une matière première, et combien d’autres motifs encore. Le plus souvent le récit cosmogonique débouche sur une anthropogonie, expliquant comment l’humain prend place dans le processus créateur. En effet, ce qui intéresse le mythe, c’est moins une réflexion sur les origines du monde que sur celle des dieux et des hommes. Cela d’ailleurs est favorisé par le fait que généralement, le monde, les dieux et les hommes ne sont pas présentés comme des entités parfaitement distinctes. La transcendance est un concept relativement tardif.

Les mythes font partie des récits traditionnels auxquels se sent particulièrement attaché le groupe humain à l’intérieur duquel ils sont transmis. Une des particularités les plus frappantes de ce type de récit est de faire intervenir du surnaturel et du merveilleux et de sembler, par moment, faire fi des lois naturelles les plus évidentes: les animaux y apparaissent doués de parole, les humains peuvent se transformer en bêtes ou en végétaux, les dieux et les héros se voient attribuer des pouvoirs fantastiques. Les éléments du monde, la terre, le ciel, les eaux, sont eux-mêmes des dieux. Cette intrusion du merveilleux, cette fantastique liberté par rapport aux contingences du réel, loin de constituer un manquement aux règles de la raison, manquement qui serait propre à une “mentalité primitive”, signifie en fait que les éléments du monde naturel fonctionnent comme le matériau à partir duquel se construit un récit qui intéresse l’humain: les objets de la réalité naturelle deviennent des instruments (des images, des signes) à l’aide desquels le récit cherche à dire autre chose que ce qu’il énonce explicitement. Le mythe devient ainsi porteur de signification, au-delà du simple enchantement que procure son énonciation. Ce que Claude Lévi-Strauss, en contestant l’idée d’une “mentalité primitive”, a appelé la “pensée sauvage” est une pensée tout aussi rigoureuse que celle des philosophes ou des mathématiciens. Mais c’est une pensée qui pense son objet (quel qu’il soit) à l’aide des éléments du monde réel. Ce n’est pas une pensée qui réfléchit (d’abord) sur le monde, mais une pensée qui réfléchit à l’aide du monde. Il n’est donc pas étonnant que certaines des images que l’on rencontre dans les mythes se retrouvent en d’innombrables lieux, et en de nombreuses périodes de l’histoire humaine. Cela n’entraîne pas qu’elles aient, partout et toujours, le même sens.

Un mythe, c’est un récit, véhiculé de manière collective, dans le cadre d’un groupe humain. Un récit qui suppose des actions, et des personnages. Cela entraîne que les mythes, innombrables, qui racontent la naissance du monde, ne peuvent pas se passer de personnages, ou d’acteurs, plus ou moins anthropomorphes. Il en faut au moins un, pour commencer. Un minimum pour qu’il y ait récit, et pas seulement silence. Mais cela ne signifie pas que le commencement soit pensé comme allant de soi. Bien au contraire. En dirigeant notre attention sur quelques mythes qui posent explicitement la question du tout début, on va rencontrer des récits qui s’approchent, de manière asymptotique, d’un silence originel, pour ne pas dire (en pensant à Pascal) d’un silence éternel.

 

  1. Briser le silence

Lier une parole (un mythe, un récit) à l’acte créateur, c’est d’abord briser ce silence. Il paraît donc assez logique que certains mythes parmi les plus fameux n’aient pas manqué de faire de la Parole elle-même l’agent créateur, voire le premier moteur.

Au commencement était le Verbe (le logos, la parole), et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui...

 

C’est ainsi que l’Evangile de Jean interprète (en grec) le début de la Genèse hébraïque, où il est écrit (en hébreu cette fois):

Au commencement Elohim créa les cieux et la terre. La terre était déserte et vide. Il y avait des ténèbre au-dessus de l’Abîme et l’esprit d’Elohim de Dieu planait au-dessus des eaux. Elohim dit: «Qu’il y ait de la lumière!» et il y eut de la lumière. Elohim vit que la lumière était bonne et Elohim sépara la lumière des ténèbres. Elohim appela la lumière Jour et il appela les ténèbres Nuit. Il y eut un soir, il y eut un matin: premier jour. Elohim dit: «Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux!» Elohim fit donc le firmament et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament. Il en fut ainsi[5].

 

Comme dans le reste du Proche-Orient ancien, il ne s’agit pas d’une création à partir de rien (en termes techniques, une création “ex nihilo”), mais d’une organisation du chaos primordial par le Dieu créateur. Le dieu de la Genèse biblique (appelé Elohim: c’est un pluriel) est encore très proche de ses collègues des panthéons proches orientaux. Il mettra du temps à s’en distinguer radicalement[6].
Cette organisation du chaos primordial se fait selon une série d’actes de séparation successifs.

- A l’origine, le monde est tohou-wa-bohou («chaotique») et ténébreux, caractérisé par le Tehom (océan primordial – même racine que Tiamat, monstrueuse divinité babylonienne des eaux salées).
- Le premier jour a lieu la séparation entre lumières et ténèbres.

- Le deuxième jour a lieu la séparation entre eaux supérieures et eaux inférieures; les eaux supérieures forment alors la voûte céleste.
- Le troisième jour a lieu la séparation entre la terre et la mer.
- Le quatrième jour a lieu la séparation entre le jour et la nuit.

Etc...

La vieille tradition mésopotamienne, dont la Bible s’inspire, nous a transmis un récit de la création somme toute assez proche:

Lorsqu’en haut le ciel n’était pas nommé, qu’en bas la terre ferme n’avait pas reçu de nom, ce fut Apsou (la personnification des eaux douces), l’initial, qui engendra les dieux, et Tiamat (la personnification des eaux salées), la causale, qui les enfanta tous; comme leurs eaux se mêlaient ensemble, aucune demeure divine n’était construite, aucune cannaie n’était identifiable. Lorsqu’aucun des dieux n’était apparu, n’avait reçu de nom, n’était pourvu de destin, les dieux furent alors créés en leur sein[7].

 

Il a fallu que les éléments premiers, éléments divins, soient séparés, distingués, pour que le monde prenne forme. Cela, la vieille religion polythéiste mésopotamienne l’explique en termes de conflits et de combats entre catégories et générations de dieux.

Pour la Bible, monothéiste, ces actes de séparation furent des actes de parole. Dieu dit: que la lumière soit! Et la lumière fut. Cette puissance du verbe divin, cette performativité de la parole, n’est pourtant pas une invention de la Bible. On la rencontre déjà dans certaines cosmogonies égyptiennes. La cosmogonie memphite notamment, où l’on peut lire:

Les yeux voient, les oreilles entendent, le nez respire l’air. Ils informent le cœur. C’est lui qui donne toute connaissance, c’est la langue qui répète ce que le cœur a pensé. Ainsi tous les dieux furent mis au monde et la compagnie divine (celle du premier dieu) fut complétée. Toutes les paroles divines advinrent selon la conception du cœur et l’ordre de la langue (du premier dieu)[8].

 

La parole du premier dieu, répétant ce que son cœur a pensé, crée ici les dieux et le monde.

Il faut en effet rompre le silence. Tel serait peut-être la plus profonde motivation de la chiquenaude initiale. Mais pour qu’un silence soit rompu, il faut qu’un être désire le rompre.

 

  1. La solitude du premier Père

De nombreux mythes disent l’origine en décrivant la solitude d’un premier être, et la manière dont cette solitude, et l’insatisfaction qui l’accompagne, entraînent ce premier être à susciter le monde pour ne plus être seul. En histoire des religions, on parle souvent du dieu suprême comme d’un dieu oisif, un deus otiosus, éloigné de sa création, inaccessible, et qui ne fait plus rien après avoir tout fait. En réalité ce personnage, le tout premier actant, est par définition destiné à demeurer dans sa solitude première et son éloignement de toute communication (si ce n’est à travers les récits qui parlent de lui), comme pour montrer que c’est précisément cette solitude qui nous vaut d’exister, à nous qui parlons de lui, loin de lui. Sa rémanence lointaine, à l’écart de toute communication directe, signifie la possible continuité du processus génétique. Le silence de l’être suprême est une garantie de ce que la vie n’est pas prête de s’éteindre.

Commençons par un mythe des indiens Winnebago, du Midwest américain: l’instance première, confrontée au non-être, est appelée Notre Père. Il s’agit là d’une formule très répandue, qui ne présuppose pas nécessairement une influence chrétienne.

Mais cela n’est pas important. Ecoutons le mythe, tel qu’il fut rapporté aux ethnologues, au début du siècle passé:

Sur quoi Notre Père était assis, quand il devint conscient, nul ne le sait. Dans sa solitude il commença par verser des larmes, car on ne voyait rien, où que l’on se tourne (dans certaines versions ces larmes deviennent l’océan primordial). Notre Père prit alors un morceau de la substance sur laquelle il reposait, un morceau du mystérieux siège sur lequel il était assis, et il en fit la semence de la terre. Quand il projeta cette semence au-dessous de lui il la regarda, et elle prit la forme de notre terre. Mais la surface de cette terre était privée de vie, rien ne la couvrait; et en plus elle n’était pas calme. Elle s’agitait de manière violente. Le Père créateur pensa en lui-même: “Je vais habiller ma création avec une chevelure de mon invention. Il arracha alors, de la substance sur laquelle il était assis, une herbe qu’il projeta sur la surface de la terre; et quand il regarda la surface de la terre, il vit qu’elle était couverte d’herbe. Et pourtant la terre n’était toujours pas tranquille. Il pensa alors: «Je vais tendre ma main», et il jeta un arbre. Mais la terre continuait de s’agiter. Il créa alors quatre Esprits, des frères, et les établit aux quatre points cardinaux, et il pensa: «Peut-être maintenant, la terre va-elle s’immobiliser». Mais non, elle tourbillonnait encore. Il fit alors quatre Grands esprits, ceux qu’on appelle Esprits des eaux et il les plaça au-dessous des quatre points cardinaux, et il en fit des îles. Il dispersa ensuite l’Esprit Féminin, celui qui constitue les pierres, sur toute la surface de la terre. Et quand il regarda en dessous de lui, la terre était enfin devenue tranquille. Le Jour était sans nuages, et se dressait immobile dans le ciel, tandis que les vibrations de chaleur flottaient devant ses yeux comme des toiles d’araignée. Le Père Créateur étendit sa main et fit des habitations pour les habitants du monde souterrain, pour les quadrupèdes de la surface, pour les oiseaux du ciel. Finalement il fit la vermine qui pullule sur la terre. Et quand il eut fait tout cela il se mit à penser qu’il devait créer les êtres humains. Ceux-ci furent les plus faibles de ses créatures, même pas aussi fortes qu’une mouche. Il regarda alors l’ensemble de sa création, et ses pensées devinrent heureuses[9].

 

On imagine la suite, qui va conduire au rite d’initiation, le Medicine Rite, réparation rituelle de la faiblesse humaine, qui lie cette cosmogonie à la condition humaine, celle de chacun de nous, mortels que nous sommes, nés dans une loge maternelle, elle-même modèle de la loge initiatique. Nous sommes appelés à mourir et à renaître, sur une route incessante menant de la vie à la mort, de la mort à la vie. Les Winnebagos croyaient en effet au cycle des renaissances, et valorisaient ce cycle, contrairement aux bouddhistes, qui espèrent y échapper, comme l’espérèrent jadis les orphiques, en Grèce ancienne[10].

Mais revenons à nos moutons, et reprenons cette réflexion sur le tout début à l’aide d’un autre récit, tiré cette fois d’une question élaborée dans les forêts de l’Amérique amazonienne, chez les indiens Uitotos, où un Père très proche du Père Winnebago se trouve lui aussi confronté à une énigme:

Ce qui n’était pas, c’est-à-dire tout, puisque rien n’était, était mirage, illusion. Le Père toucha ce phantasme. Il avait saisi quelque chose de secret. Ce que le Père, qualifié lui-même de «Mirage» [Nainuema, lit.: Qui est, ou Qui a, une illusion] saisit, cela n’était pas. Et c’est à travers un rêve qu’il essayait de s’en saisir. Il n’y avait alors aucun arbre, auquel accrocher quelque chose. Il retint donc le phantasme attaché au fil du rêve, avec son souffle. Il essayait de vérifier sur quelle assise reposait ce mirage, mais il n’y avait rien: Je suis attaché au vide, pensa-t-il, il n’y a pas d’assise.

Le Père chercha alors plus loin cette chose, il essaya de vérifier le fondement de cette chose, il tâtonnait à la recherche d’un siège, d’une assise illusoire. Il recommença de chercher le fond de ce mystère. Il attacha l’illusion inconsistante au fil du rêve et pressa la substance magique arebaike sur cela. C’est ainsi qu’il finit par tenir fermement à son rêve à l’aide de la substance magique iseike, un flocon de coton naturel (ou un petit nuage de fumée de tabac: c’est le même mot).

Il saisit alors le fond du mirage et tapota dessus à de nombreuses reprises. Il s’assit alors sur cette terre qu’il avait rêvée.

Cette terre phantasmatique était maintenant la sienne. Il y cracha de la salive, beaucoup de salive, et ainsi les forêts purent pousser. Il se coucha alors sur la terre et la recouvrit du plafond céleste. Comme il était maître de la terre, il plaça au- dessus d’elle, comme une peau arrachée à la terre, le ciel bleu et blanc.

A la suite de cela, Rafuema, “l’homme qui possède les récits”, et qui vivait au pied de ce ciel (c’est-à-dire dans le monde inférieur), créa cette histoire (cette cosmogonie que nous venons de raconter), après avoir beaucoup réfléchi, pour que nous puissions la faire connaître ici, cette histoire, sur la terre.

Et maintenant sur la terre se dressèrent les grands arbres de la forêt, et le palmier Canaguche porta ses fruits, qui nous donnent à boire. Dans l’eau de la salive du Père tous les arbres et les plantes ont crû[11]...

 

Donc, ici aussi, dans ce mythe recueilli au début du 20ème siècle par Theodor Preuss chez les Uitotos de l’Amérique du Sud, comme chez les Winnebagos de l’Amérique du Nord étudiés par Paul Radin (et il y aurait d’innombrables autres exemples), un Père est situé à l’origine de la parole et du monde. Notre Père, un Père. Un archétype sociologique très convenable à des oreilles judéo-chrétiennes, si convenable qu’on a parfois voulu y reconnaître l’influence des missionnaires. Il se peut que les missionnaires, ou pourquoi pas, les ethnologues eux-mêmes, soient pour quelque chose dans la mise en écriture de ces traditions orales, mais il n’en demeure pas moins qu’elles sont, chaque fois, très spécifiques, très marquées par l’environnement, écologique, culturel, d’où elles émanent. On aura perçu, à écouter ces récits, la différence entre les grandes plaines herbeuses du milieu septentrional de l’Amérique du Nord et la forêt amazonienne, humide et coiffée d’un ciel qui la couvre comme une peau bleue et blanche.

Que le début soit paternel ne devrait guère nous étonner. Ce qui est plus étrange, c’est l’absence d’une mère, au tout début. Un vieux mâle solitaire s’ennuie, à l’origine des choses. Il en va de même chez les Brésiliens Tupinambas dont Pierre Clastres rapporte les mythes dans un livre merveilleux, Le Grand Parler, publié à Paris, au Seuil, en 1974. Comme dans la Genèse hébraïque, Dieu le Père, chez les Guaranis, est tout seul. Chez les Guarani comme chez les Winnebago, et probablement aussi chez les Uitotos et dans la Bible, ce dieu a un corps, et pas seulement un souffle. Dans la traduction de Pierre Clastres, cela donne:

Notre père le dernier, notre père le premier, Fait que son propre corps surgisse
De la nuit originaire.

La divine plante des pieds,
Le petit siège rond:
Au cœur de la nuit originaire
Il les déploie se déployant lui-même.

 

Le père originaire des Indiens Guaranis ne semble pas s’ennuyer, contrairement aux père Winnebago, ni se poser trop de question, contrairement au Père Uitoto. Il semble au contraire jouir de son être, de son corps:

Divin miroir du savoir des choses,
Entente divine de toute chose,
Divines paumes des mains,
Paumes divines aux ramures fleuries:
Il les déploie se déployant lui-même, Ñamandu, Au cœur de la nuit originaire.

A la cime de la tête divine
Les fleurs, les plumes qui la couronnent Sont des gouttes de rosée.
Entre les fleurs, entre les plumes de la couronne divine, L’oiseau originaire, Maino le colibri,
Volette, voltige.

Notre père premier, son corps divin, il le déploie En son propre déploiement,

Au cœur du vent originaire. La future demeure terrienne Il ne la sait pas encore pour lui-même;
Le futur séjour céleste, la terre future,
Eux qui furent dès l’origine,

Il ne les sait pas encore pour lui-même: Maino fait alors que sa bouche soit fraîche, Maino, nourricier divin de Ñamandu.

 

Ce père premier, en sa solitude relative (en compagnie qu’il est du colibri nourricier) ne semble pas malheureux, bien au contraire. Les Guaranis, au fond, pensent de Ñamandu le divin Père ce qu’un mystique chrétien du 17ème siècle, le père Saint-Sulpicien Ollier, disait de son côté en des termes bien différents:

Dieu sortant de lui-même c’est un point qui produit millions de lignes qui sortant de son sein font une circonférence immense, prodigieuse. Dieu est un point invisible, immense toutefois en sa fécondité, qui demeure renfermé dans lui-même pour toute une éternité, et quand Il se veut expliquer, Il sort hors de lui-même et produit millions d’anges qui comme un second Verbe expliquent et font entendre ce qu’Il est. Dedans l’éternité le Verbe qu’Il engendre explique ce qu’Il est en lui-même, et cette ressemblance demeurant en lui-même ne donne de joie et de satisfaction qu’à lui- même. Dieu jouit de sa ressemblance et se mire en lui-même par la contemplation de son Verbe, Verbe unique qui dit tout et comprend tout lui seul en l’unité de sa personne.

Au contraire, quand Il parle au-dehors et qu’Il s’explique hors de lui-même aux créatures, ce point divin commence de s’ouvrir et à se dilater, de même que fait une goutte d’essence [une goutte de parfum] renfermée dans une boîte qui se fait ressentir dedans un espace très grand[12].

 

  1. L’énigme originelle

Le Uitoto qui a construit son récit cosmogonique à partir d’une pensée de l’énigme et d’une longue réflexion n’a rien à envier à ce mystique du 17ème siècle, ni non plus au vieux chantre védique, en Inde ancienne, qui lui aussi avait du longuement réfléchir sur l’énigme originelle, pour composer cet hymne hautement spéculatif:

I.1 Le non-étant n’était pas, ni l’étant n’était, alors (Nó asád asid no sád asit tadánim);

I.2 L’air n’était pas ni le ciel au-delà;

I.3 Que cachait-il? (ou: que couvrait-il?) Où? Qui était le gardien?

I.4 L’eau était-elle, insondable, profonde?

II.1 La mort n’était pas ni la non-mort (am ́rtam, l’immortalité); II.2 Le signe distinctif n’était pas, du jour, de la nuit;


II.3 Ce Un (tád ékam) respirait sans souffle, par soi-même;


II.4 Autre que lui il n’y avait pas, même au-delà.

III.1 Il y avait l’obscurité, cachée par l’obscurité, à l’origine (au commencement);

III.2 Cela était tout entier onde, sans signe distinctif;


III.3 Ce qui, devenant, était couvert par le vide,


III.4 Ce Un se dressa par le pouvoir du tapas (de la chaleur)

IV.1 Le désir au commencement prit possession de l’un (vint sur cela),

IV.2 (Désir) qui fut la première semence de la pensée (mánas).


IV.3 Les sages cherchant dans leurs cœurs avec sagesse (manîsá)


IV.4 Trouvèrent le lien de l’existant dans le non-existant.

V.1 Leur corde était tendue à travers.


V.2 Qu’est-ce qui était au-dessous, qu’est-ce qui était au-dessus?

V.3 Il y eut des porteurs de semence, il y eut des vertus;


V.4 en bas était l’Instinct, en haut le Don.


VI.1 Qui sait en vérité, qui pourrait l’annoncer ici:


VI.2 d’où est issue, d’où vient cette création?


VI.3 Les dieux sont en deçà de cet acte créateur:


VI.4 qui sait d’où il émane?


VII.1 Cette création, d’où elle émane,


VII.2 si elle a été fabriquée ou si elle ne l’a pas été,


VII.3 Celui qui veille sur elle au plus haut du ciel


VII.4 le sait sans doute: ou bien ne le sait-il pas?[13]

 

L’hymne védique qu’on vient de lire date des environs de l’an 1000 av. notre ère. Il pose une question vertigineuse: ce monde, dans lequel nous vivons, est-il vraiment venu à l’existence? Existons-nous indépendamment de ce que les sages ont pensé?

Il s’agit là, à ma connaissance, de la formulation la plus explicite de cette question obsessionnelle qui ne cesse de préoccuper ceux qui se plaisent à raconter l’origine.

Les anciens Egyptiens, que nous avons déjà rencontrés, réfléchissaient sur cette question depuis quelques bons siècles, mais en termes beaucoup moins abstraits, et dans le cadre d’une pensée apologétique, visant à affirmer la supériorité d’un dieu local. Centrée sur le dieu solaire Rê, la cosmogonie de la ville de Rê, Héliopolis, donne la parole au dieu créateur local, Rê-Atoum:

[...] Je fis tout ce que je fis étant seul, avant que personne d’autre que moi ne se fût manifesté à l’existence, pour agir en ma compagnie en ces lieux. J’y fis les modes d’existence à partir de cette force qui est en moi. J’y créai dans le Noun (une sorte d’eau originelle), étant encore somnolent et n’ayant encore trouvé aucun lieu où me dresser.

Puis mon cœur se montra efficace, le plan de la création se présenta devant moi, et je fis tout ce que je voulais faire, étant seul. Je conçus des projets en mon cœur, et je créai un autre mode d’existence, et les modes d’existence dérivés de l’Existant furent multitude. Leurs enfants se manifestèrent à l’existence en leur mode d’existence d’Enfants.

[...] Je m’unis à mon propre corps, de sorte qu’il sortit de moi-même. [...] Ce fut donc moi qui avais jeté un crachat qui fut Shou et lancé un jet de salive qui fut Tefnout. J’étais venu à l’existence, comme un dieu unique, et voici que j’étais Trois dieux. Shou et Tefnout frémissaient alors joyeusement dans le Noun où ils étaient. Ce fut mon père, le Somnolent, qui les souleva. Ce fut mon œil qui les ramena après un temps infini pendant lequel ils restèrent loin de moi. Je pleurai des larmes sur eux: ce que mon œil avait ainsi élaboré, ce fut l’origine des hommes [...][14].

 

La création, ici est issue de la masturbation, du crachat et les larmes du premier père, conçu comme le dieu solaire lui-même, sous forme de son ancêtre (Atoum). Encore une fois, ici, l’être premier est un père.

 

  1. Avant l’invention de la sexualité

Ailleurs dans le monde, toutefois, on pense parfois différemment. On se pose la question de ce qui pourrait être une instance créatrice d’avant la masculinité. Tout en restant le plus souvent attaché à une pratique parfaitement patriarcale, on imagine ce qui aurait pu exister avant le père, un avant différent, à partir duquel le masculin serait advenu dans un second temps. C’est en Grèce archaïque qu’il faut se rendre, pour rencontrer la réflexion la plus développée à cet égard, dans la Théogonie (littéralement la génération et la naissance des dieux) une œuvre d’Hésiode, un poète du 7e siècle avant notre ère qui représente (avec Homère) la base de l’éducation de tout écolier grec.

Le poète Hésiode, au début de la Théogonie, se présente lui-même comme un berger inspiré par les Muses qu’il a rencontrées dans la montagne. Ces déesses, les Muses, fille de Mémoire, charment les dieux en chantant les choses passées, présentes et futures. À la suite des Muses (sous leur dictée), Hésiode va raconter sa propre version de l’origine de toutes choses:

Dites-moi cela depuis l’origine, Muses qui habitez l’Olympe [la montagne des dieux], et énoncez ce qui en premier vint à l’existence. Eh bien donc, au commencement de tout fut Chaos, et ensuite Gaïa [Terre] à la large poitrine, assise inébranlable à jamais pour tous les Immortels qui habitent les sommets de l’Olympe neigeux, et les zones du Tartare brumeux tout au fond des souterrains aux larges routes; et enfin Eros [Amour], le plus beau des dieux immortels, lui qui paralyse les corps, et dompte l’esprit et la sage volonté de toutes les divinités et de tous les humains.

De Chaos naquirent Érèbe [les Ténèbres d’en bas], et Nuit la noire. De Nuit, qui les conçut en s’unissant d’amour avec Érèbe, naquirent à leur tour Éther [la lumière supérieure] et Jour.

Terre enfanta tout d’abord un être égal à elle-même, Ouranos étoilé [Ciel] afin qu’il la recouvre de tout côté et qu’elle soit pour les dieux bienheureux une assise inébranlable à jamais; elle enfanta les hautes montagnes, retraites charmantes des Nymphes divines qui habitent dans les ravins des montagnes. Elle enfanta aussi, sans le plaisir d’une union amoureuse, Pontos, la mer stérile aux flots bouillonnants; puis, ayant couché avec Ouranos, elle enfanta Océan aux profondeurs abyssales, ainsi que Koios, Kreios, Hypérion, Japet, Theia, Rheia, Thémis, Mnémosyne, Phoibè et la charmante Tèthys couronnée d’or. Et à la suite de ceux-là elle enfanta le plus jeune, Cronos le fourbe rusé, le plus terrible de ses enfants, qui haïssait son père vigoureux [... ][15].

 

Les 3 entités primordiales sont donc CHAOS (une ouverture béante), GAÏA (la Terre), et EROS (l’amour, le désir, l’incitateur). Ce sont à la fois des principes cosmiques et des personnages (des dieux). Ils sont donnés comme préexistant à toute chose:

  • - Chaos (son genre est neutre), on peut se le représenter comme une bouche ouverte sur l’abîme (avec tout au fond de cet abîme le séjour infernal du Tartare). Chaos annonce virtuellement les dimensions (spatiales et temporelles) dans lesquelles pourra se déployer la genèse du monde. 

  • - Ensuite Gaïa, la Terre, une divinité que la langue grecque prononce au féminin, une entité féconde, capable (comme Chaos) de procréer toute seule, recelant ainsi en elle-même le principe du masculin; solidaire de Chaos, Gaïa est à la fois ce qui précède l’émergence du masculin, et l’assise de toute chose, la base inébranlable sur laquelle tout repose. 

  • - La troisième entité primordiale, dans ce récit des origines, c’est enfin, essentiel, Eros (le désir amoureux, l’incitateur), le déclencheur du processus cosmogonique. Contrairement à Chaos et à Gaïa, Eros n’aura pas de descendance. Mais c’est lui qui précisément permet aux deux autres de produire une descendance. GAÏA toute seule, sans époux, donne naissance à Ouranos (Ciel, masculin), à Pontos (Espace marin, masculin), et aux Hautes montagnes (neutres). Gaïa va s’unir aux deux êtres masculins qu’elle a produit, Ouranos et Pontos, dont la double descendance va constituer à la fois le monde dans lequel nous évoluons, et les dieux qui sont indiscernables de ce monde. 
On retiendra du récit d’Hésiode quelques données essentielles: 


Dans ce récit, les dieux et le monde coïncident. Le monde n’est pas créé par un dieu qui lui serait extérieur. Le monde est divin: il naît et se diversifie à travers des lignées d’êtres à la fois cosmiques (des parties du monde) et surnaturels (des dieux);

l’opposition masculin-féminin n’est pas la donnée première. Même si le motif mythique de l’union du ciel et de la terre est essentiel, il ne constitue pas le début des choses. Du point de vue de la conception que les Grecs se font de la sexualité, cette constatation revêt une certaine importance. Le désir (Eros) préexiste en effet à la distinction des sexes, tout comme la capacité d’enfanter. Point n’est besoin d’un père, pour cette première Mère (la Terre). Naître de deux viendra seulement ensuite. L’action d’Eros, exercée sur une entité primordiale (Gaïa, ou Chaos), suffit à provoquer l’enfantement. D’ailleurs Aphrodite, la puissance divine qui préside à la réunion amoureuse du masculin et du féminin, n’existe pas encore. La naissance d’Aphrodite aura lieu plus tard. Elle sera liée au premier conflit, qui surgit à cause de la souffrance de Gaïa écrasée par Ouranos, l’époux qui ne laisse pas sortir la progéniture du sein de la mère. Aphrodite naîtra de la castration d’Ouranos par Cronos.

 

  1. Enfin

La question de l’origine, de l’avant, devient très vite celle d’un saut en deçà de l’assise expérimentale, un saut à côté de l’équilibre, un décentrement aliénant, redoutable, entraînant doute et vertige. Avant la matière, avant la sexualité, avant la parole. Que devinons-nous, à travers ces récits de la naissance du monde. Que nous désignent-il, avant le principe du monde: du vide, de la non-matière, du silence, peut-être. Mais en aucun cas du néant. La création ex nihilo ça n’existe qu’à partir des pères de l’Eglise chrétienne, qui donne du récit de la Genèse une interprétation radicale[16]. La Nuit, l’Eau, le Vide (le chaos d’Hésiode), l’illusion, le rêve, le phantasme des Uitotos, ces formules seraient-elles là pour dire un non-être qui ne serait pas pensable en termes abstraits? Ces images insatisfaisantes, en leur anthropomorphisme, seraient-elles là pour penser l’impensable, le non-être, ou le non-encore, en termes concrets mais approximatifs[17]? Ou au contraire ne faut-il pas voir, dans ces figures poétiques, tout simplement, l’impérieux désir de joindre une parole à l’énigme, de rompre le silence originel par un récit?

Le Big-Bang, lui aussi, à sa manière, rompt le silence originel. Et n’est –il pas récit, lui aussi? Une formule énigmatique destinée à susciter de la parole? Quand le pauvre profane insiste, pour essayer de comprendre le big-bang, il faut bien que le savant physicien lui réponde en disant quelque chose, en racontant une histoire, qui fasse plaisir autant que sens, une histoire qui, pour scientifique qu’elle soit, a toute les apparences d’un mythe. Entre l’origine et la parole, il y a une sorte de pacte.

Je renverrai sur ce point au philosophe-physicien Etienne Klein, à son livre intitulé Anagrammes renversantes, ou le sens caché du monde, écrit en collaboration avec le pianiste de jazz Jacques Perry-Salkow (Paris, Flammarion, 2011). Les deux compères nous font part de quelques merveilleuses découvertes langagières (compréhensibles pour les francophones seulement, en l’occurrence, mais on pourrait tenter le même exercice dans n’importe quelle langue): c’est ainsi que «un vide noir grésille» (p. 28), se révèle être l’anagramme de «l’origine de l’univers»; «un vide noir grésille», pour dire ce lieu illimité et fertile, sorte de tohu-wa bohou où titubaient la matière, l’espace et le temps, ce début que cherchèrent à explorer, chacun à sa manière, les penseurs Juifs et chrétiens, Uitoto, Winnebago, Indiens, Grecs et Guaranis. La parole, décidément, semble désirer recéler l’origine en elle-même. Comme si le langage était naturellement habité par la question des origines. Comme si l’origine était une parole, un mythe.

 


[1] Ce texte a pour point de départ une conférence donnée à l'Ecole de Physique de l’Université de Genève, le mardi 13 décembre 2011, dans le cadre de l'exposition L'Origine, un voyage entre science et art.

[2] J. Ivanov, Livres et légendes bogomiles (Aux sources du catharisme), traduit du bulgare par M. Ribeyrol, Paris 1976, pp. 242-243; M. Dando, Satanaël dans la littérature slave, «Cahiers d’Etudes cathares», IIe série, 86, 1980, pp. 3-16, légende n. 11, p. 11.

[3] M. Éliade, Le Diable et le Bon Dieu: la préhistoire de la cosmogonie populaire roumaine », dans De Zalmoxis à Gengis Khan. Études comparatives sur les religions et le folklore de la Dacie et de l’Europe orientale, Paris 1970, p. 87, renvoyant à une bibliographie antérieure, Éliade mentionnait la légende bulgare en note.

[4] Corpus Hermeticum, I, 12-14; voir B.P. Copenhaver, Hermetica. The Greek Corpus Hermeticum and the Latin Asclepius in a New English Translation, with Notes and Introduction, Cambridge 1995.

[5] Traduction Edouard Dhorme, La Bible, t. 1, édition de la Pléïade, Gallimard, Paris 1956, p. 3-4.

[6] Cf. notamment M. S. Smith, The Origins of Biblical Monotheism, Israel’s Polytheist Background [...],Oxford University Press 2001, p. 149-194; Th. Römer, L’invention de Dieu, Seuil, Paris 2014.

[7] M.-J. Seux et J. Briend, La création et le déluge d'après les textes du Proche-Orient ancien, Supplément au «Cahiers Évangile», 64, Éd. du Cerf, Paris 1988, p. 12-13. Voir aussi J. Bottéro et S. N. Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'homme. Mythologie mésopotamienne, Gallimard, Paris 1989.

[8] Tiré du «document de théologie memphite» (traduction par Youri Volokhine, Université de Genève); voir S. Sauneron et J. Yoyotte, La Naissance du monde selon l’Égypte ancienne, dans La Naissance du monde, Seuil (Collection Sources Orientales 1), Paris 1959, pp. 63-64.

[9] Le mythe est donné dans P. Radin, The Winnebago Tribe, Lincoln, The University of Nebraska Press, 1970 (reprint de: Thirty-Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology, Smithsonian Institution, Washington 1923), pp. 302-303.

[10] Id., The Road of Life and Death; a Ritual Drama of the American Indians, Pantheon Books (Bollingen Series V), New York 1945 (notamment pp. 17-18 et pp. 252-255).

[11] K. T. Preuss, Religion und Mythologie der Uitoto, erster Band, Göttingen 1921, pp. 166-169.

[12] J.-J. Ollier, Des Anges. Fragrances divines et odeurs suaves, édité, présenté et annoté par M. Mazzocco, Seuil, Paris 2011, pp. 61-62.

[13] Rig-Veda 10, 129. Traduction inédite de W. Borgeaud pour les strophes I-V et de Louis Renou, dans Le Véda, t. 2, Marabout Université, Collection «Trésor spirituel de l’humanité», Paris 1967, p. 498, pour les strophes VI-VII.

[14] Texte adapté du Papyrus Bremner-Rind dans S. Sauneron et J. Yoyotte, op. cit., note 8, p. 48-51. On le connaît grâce à un papyrus datant du 3e siècle avant notre ère. Mon collègue et ami Youri Volokhine m’explique qu’il ne s'agit pas d'une narration à proprement parler, mais d'un texte liturgique, un rituel magique, raison pour laquelle il y a de nombreuses répétitions. Ce rituel consiste à protéger le monde contre le serpent Apophis, qui menace d'engloutir l'univers. C'est dans ce contexte qu'intervient un rappel de la cosmogonie. C’est le dieu Atoum qui parle.

 

[15] Traduction personnelle, appuyée sur la traduction de P. Mazon, Collection des Universités de France, aux Belles Lettres.

[16] Cf. G. May, Schöpfung aus dem Nichts. Die Entstehung der Lehre von der creatio ex nihilo, de Gruyter, Berlin/New York 1978 (AKG 48). Dans les Confessions (XII, 8), comme d’ailleurs dans son commentaire à la Genèse, Augustin approche (mais avec quelle prudence!) cette idée de création ex nihilo: «Mais ce tout était presque un rien (prope nihil), puisque il était jusqu’alors absolument privé de forme. Toutefois, il était déjà ce qui pouvait recevoir une forme. Ainsi donc Toi, Seigneur, Tu as fait le monde à partir d’une matière informe, dont tu as fait une presque nulle chose à partir de nulle chose, et dont finalement tu as fait ces grandes choses que nous, fils des hommes, admirons» (illud autem totum prope nihil erat, quoniam adhuc omnino informe erat; iam tamen erat, quod formari poterat. tu enim, domine, fecisti mundum de materia informi, quam fecisti de nulla re paene nullam rem, unde faceres magna, quae miramur filii hominum).

[17] On l’a parfois pensé. Cf. J. Rudhardt, Dans quelle mesure et par quelles images les mythes grecs ont- ils symbolisé le néant?, «Revue de théologie et de philosophie», 122, 1990, pp. 303-312.

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