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L’hybride en images. Déplacements progressifs de la frontière entre homme et animal

Autore


Sara Petrella - Aldo Trucchio

Université de Genève

Sara Petrella Dottoranda in Lettere presso il Dipartimento di storia dell'arte della Facoltà di Lettere de l'Université de Genève

Indice


  1. La machine anthropologique
  2. Les hybrides hommes-animaux au Moyen Âge
  3. La codification des allégories à la fin du XVIe siècle
  4. De l’hybride au sauvage

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S&F_n. 12_2014

Abstract


Taking the move from the differences between the Medieval and the Modern image, the authors will attempt at applying Agamben’s concept of «anthropological machine» to a specific historical episode, that of the growing disappearance of hybrid human-animal images from the books of allegories from the end of the XVI Cent. The authors thus aim at showing how the early XVII Century witnesses a fundamental shift of the human/animal frontier, from the representation of interspecies hybrids to that of the savage. A move which opened up the possibility of defining the human on biological grounds, as opposed to aesthetic, philosophical and religious ones.

   


    1. La machine anthropologique

  1. Dans le cadre d’une enquête sur la persistance des motifs médiévaux dans les représentations modernes de l’homme sauvage, nous avons relu la célèbre étude intitulée L’Aperto. L’uomo e l’animale, où Giorgio Agamben suppose qu’une «machine anthropologique» est à l’œuvre dans la pensée philosophique occidentale depuis toujours. Cette machine génère ce qui est considéré comme proprement «humain» par le biais d’une ré-articulation continue de la relation entre l’homme et l’animal. La relecture des livres d’Aristote et de Thomas d’Aquin, de Kojève et de Bataille, de Heidegger et de Benjamin, permet à Agamben de montrer que «le conflit politique décisif, qui gouverne tout autre conflit, est, dans notre culture, le conflit entre l’animalité et l’humanité de l’homme».

    La machine anthropologique représente ainsi «le moteur du devenir historique de l’homme»: elle est définie comme «ontologie», «philosophie première» et «événement toujours en cours, qui décide à chaque fois et en chaque individu de l’humain et de l’animal, de la nature et de l’histoire, de la vie et de la mort»[1]. Aussi, artistes et philosophes ont-ils, à toute époque, imaginé la «fin de l’histoire» comme la résolution du conflit entre la partie animale («l’animal existant au-dedans», c’est-à-dire les fonctions organiques aveugles et inconscientes) et la partie humaine («l’animal vivant au dehors», ou la nature relationnelle) de l’homme[2].

    Pour illustrer son hypothèse, Agamben commente une enluminure, tirée d’une Bible hébraïque du XIIIe siècle conservée à la Bibliothèque Ambrosiana de Milan[3] (B 32 inf. f. 136a), représentant le banquet messianique, à la fin des temps, durant lequel les Justes se nourrissent de la viande des animaux originels Ziz, Léviathan et Béhémot. Agamben relève le caractère particulièrement surprenant de la représentation animale des têtes des Justes, qu’il considère comme une manière de «montrer qu’au dernier jour les rapports entre les animaux et les hommes revêtiront une forme nouvelle et que l’homme se réconciliera avec sa nature animale»[4].

    En fait, dans les trois volumes qui nous restent de l’Hebraica Ambrosiana (B 30, 31 e 32 inf.), aucun visage n’est montré. Non seulement ceux des Justes et des musiciens cités précédemment sont dissimulés sous des faciès d’animaux, mais également ceux d’êtres anthropomorphes ailés (B 31 inf., f. 136a), et même celui de David (B 32 inf., f. 5a). D’autres personnages de ce livre, tels qu’Adam et Ève (B 30 inf, f. 1b) et Abraham (B 30 inf., f. 102a), tournent la tête aux lecteurs ne montrant que leurs longues chevelures[5]. Enfin, les visages sont parfois incomplets, laissés inaboutis voire même grattés – c’est notamment le cas d’Isaac (B 30 inf., f. 102a) et de Moïse (B 30 inf., f. 182b). De plus, ce traitement n’est pas réservé aux seuls juifs, mais également aux Gentils (comme les égyptiens portraiturés in B 30 inf., f 56a).

    Ce phénomène s’observe, à un niveau plus général, dans plusieurs livres du même type – des manuscrits ashkénazes réalisés dans le sud de l’Allemagne entre le début XIIIe et la première moitié du XIVe siècle – dans lesquels les visages sont cachés, dissimulés ou effacés avec les mêmes expédients[6]. Dans des commentaires bibliques, des maḥzorim (livres liturgiques typiques des communautés ashkénazes du sud de l’Allemagne, des régions rhénanes et du nord de la Loire)[7] ainsi que dans des haggadot (utilisés pendant la cérémonie du Séder, un rituel faisant partie de la fête de Pessa’h)[8], les visages sont laissés en blanc ou grattés (par ex. dans le commentaire biblique de Rashi de la Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Hebr. 5.1), ou substitués par des têtes d’oiseaux (par ex. dans le Bird’s Head Haggadah, conservé dans The Israël Museum de Jérusalem, ou dans le Worms Maḥzor de la Jewish National University Library de Jérusalem).

     Parmi les explications proposées, aucune n’est définitive et encore moins univoque. Le sud de l’Allemagne avait vu naître une série de controverses concernant l’interprétation de la loi mosaïque interdisant l’adoration d’images (Exode 20, 4-6). Ainsi, le mouvement piétiste de Judah ben Samuel he-Ḥasid de Ratisbonne (1150-1217), répandu parmi les ashkénazes de ces régions pendant le XIIe siècle, s’opposait à la décoration des manuscrits religieux[9]; et Rabbi Ephraim ben Isaac de Ratisbonne (1110-1175) n’autorisait, dans sa synagogue, que la représentation d’hommes dont on ne pouvait pas observer le visage[10]. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que ce genre de prescriptions orthodoxes constituait également une forme d’auto-défense contre les accusations d’idolâtrie que musulmans, chrétiens et juifs s’adressaient fréquemment à cette époque[11]. Pour certains chercheurs, le choix de représenter d’hybrides homme-oiseau pourrait dériver de l’imagerie perse et islamique[12]; pour d’autres, les oiseaux et les aigles en particulier seraient une allusion au Salut ou impliqueraient une intériorisation de motifs anti-hébraiques (les becs pour caricaturer le nez des juifs)[13]. Avec toute probabilité, les commanditaires proches des mouvements piétistes exigeaient qu’aucun visage humain ne soit représenté dans leurs manuscrits et ceux qui achetaient des livres déjà enluminés effaçaient systématiquement les visages.

    En ce qui nous concerne, nous nous contentons de supposer que l’hybridation de l’image de l’homme avec celle de l’animal avait généralement pour but de distinguer le Créateur de la créature, celui qui doit être adoré de celui qui doit adorer, la nature divine de celle terrestre. Sans vouloir entrer dans le débat et proposer une nouvelle hypothèse, il faut tout de même noter que la moins efficace d’entre elles nous paraît être celle de Zofia Ameisenowa[14], celle-là même que mentionne Agamben. Ameisenowa considère que la représentation du banquet des Justes est inspirée par les «religions à mystères de Rome», elles-mêmes influencées par l’imaginaire «oriental»[15]. Plus précisément, elle trouve une forme de continuité entre le culte de Mithra (et ses initiés aux têtes d’animaux), l’astrologie des Chaldéens (et leurs décans, souvent représentés avec des figures animales), les sectes gnostiques (avec leurs représentations hybrides des archontes) et, finalement, l’art hébraïque du Moyen Âge[16].

    Les remarques que nous venons de présenter nous poussent à observer que la portée théorique de la machine anthropologique se trouve réduite lorsqu’elle est extraite du discours historique et située en dehors de l’histoire – en tant que premier moteur immobile, ou évènement jamais accompli, mais toujours en cours. Dans cet article, nous reviendrons sur le statut des images d’hybrides au Moyen Âge et au début de la Modernité, afin d’observer quand et où la machine se déplace et se repositionne. Une rupture advient à partir de la fin du XVIe siècle: les images d’hybrides homme-animal, qui peuplaient jadis les recueils d’allégories, disparaissent. Cette disparition est l’un des symptômes visibles d’une crise profonde de la définition religieuse et philosophique de l’humain.

     2. Les hybrides hommes-animaux au Moyen Âge

    Malgré toutes les réserves qu’une telle généralisation implique, il serait tout de même possible d’affirmer que le Moyen Âge est l’une des périodes les moins propices à l’observation de la machine anthropologique en action et ce, particulièrement pour ce qui concerne le discours iconographique.

    Tout d’abord, il faut rappeler que la relation entre l’homme et l’animal est alors profondément différente de la nôtre, pour la bonne et simple raison que les animaux sont partout. Les poules et les cochons se promènent librement dans les rues et sur les places publiques la journée et rentrent le soir dans la demeure de leurs propriétaires (sous la chambre desquels ils dorment bien souvent)[17]. Les animaux servent de moyens de transport, d’armes pour la chasse, de moteur pour les machines agricoles et les moulins. Les parasites qui peuplent le corps humain sont acceptés comme des faits de nature[18]. Dans les traités, on discute des hybrides comme d’une réalité concrète: par exemple, dans les Secreta mulierum et virorum, attribués à Albert le Grand, l’auteur décrit des monstres nés de l’union de femmes et d’animaux[19]. Non seulement des images d’animaux, réels ou mythologiques, illustrent les livres, mais les livres eux-mêmes sont faits de peaux et de tendons d’origine animale, les textes sont écrits avec des plumes de volatiles, les images sont peintes à l’aide de pinceaux faits de poils et de couleurs obtenues avec des liants à base d’œuf ou de graisse[20]. De surcroît, les représentations hybrides homme-animal ne semblent poser aucun problème aux artistes médiévaux. Dans l’Hebraica Ambrosiana, en plus des personnages à têtes animales, on en trouve parmi les motifs ornementaux: un centaure (B. 31 inf., f. 63a), deux hommes couverts de plumes et dotés d’une tête d’oiseau (B 31 inf., f. 63a), ou même un hybride homme-animal-végétal (B 32 inf. f. 48a).

    Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que le contexte hébraïco-germanique du XIIIe siècle est loin d’être le seul au sein duquel se développe une iconographie «fantastique». Depuis les études fondamentales de Jurgis Baltrušaitis[21] et celles plus récentes de Jean Wirth[22], le Moyen Âge apparaît aujourd’hui comme un monde dans lequel les hybrides circulent librement, des chapiteaux des églises romanes aux marges des bibles gothiques[23].

    Cela est rendu possible par le fait que l’image médiévale peut être lue de manière littérale («premier degré») ou métaphorique («deuxième degré»)[24]. Le système iconographique médiéval fonctionne comme un vaste réseau fait d’«analogies» que Michel Pastoureau décrit en ces termes: «les animaux sont ainsi fréquemment sollicités afin d’évoquer, de représenter ou de signifier autre chose que ce qu’ils sont ou montrent»[25]. L’animal peut ainsi renvoyer, de manière «concrète», à des éléments eux aussi «concrets» (comme les animaux représentant les évangélistes dans l’iconographie chrétienne, par ex. St. Gallen, Stiftsbibliothek, Cod. Sang. 402, f. 26, ou les familles aristocratiques dans l’héraldique). Il peut également désigner des éléments «abstraits», par exemple la colombe symbolisant la paix ou le serpent le péché. Or il importe de rappeler que ces analogies ne sont régies par aucune norme écrite. L’animal demeure de ce fait un attribut ambigu et parfois flou, voire même polysémique[26].

    Après la Réforme grégorienne, au début du XIIe siècle, la Création de Dieu est considérée comme infiniment plus «belle» (et donc «meilleure») que les arte facta des hommes. Toutefois, le but de l’artiste n’est pas tant de représenter la nature telle qu’il la perçoit à travers ses sens, mais plutôt de chercher les «propriétés symboliques des choses»[27]. Son travail n’est pas d’ordre «photographique», il ne dépend pas de l’observation de la nature, mais il se base plutôt sur la «convention», à savoir sur la tradition de représentation (et, en d’autres mots, sur l’iconographie)[28]. De ce point de vue, c’est grâce au système de représentation «analogique», ou à l’aide de motifs qui doivent être lus au second degré (comme les animaux), que la Création peut être dépeinte dans toute sa beauté.

    De ce fait, les masques thériomorphes que portent les hommes dans les livres ashkénazes susmentionnés ne peuvent être considérés que comme un cas particulier au sein d’un contexte dans lequel les représentations d’hybrides mi-hommes mi-animaux sont fréquentes.

    Nous pourrions préciser cette assertion en affirmant que les hybrides apparaissent au Moyen Âge dans cinq types d’images différentes[29]. Tout d’abord – et comme cela a déjà été dit précédemment – il y a les hybrides utilisés dans les images héraldiques[30]. Ensuite, il faut considérer ceux présents dans l’iconographie chrétienne, comme les anges et les démons. La troisième catégorie, plus complexe, comprend les hybrides «fantastiques» et protéiformes qui parodient la vie humaine ou qui sont employés à des fins ornementales, des cathédrales romanes aux marges à drôleries des manuscrits (par ex. Tours, Bibl. Mun., ms. 0008, f. 53) et jusqu’aux peintures de Hieronymus Bosch (par ex. Triptyque du Jardin des délices, Museo del Prado, Madrid, détail). À l’intérieur de ce groupe, il faut cependant différencier les images parodiques de celles paradoxales: à la fin du Moyen Âge, les premières donneront lieu au genre de la caricature alors que les secondes viendront se confondre dans la mode des grotesques[31]. Dans la quatrième catégorie, on relèvera les hybrides hérités de la littérature antique (récits mythologiques et traités sur les prodiges)[32]. Deux points permettent de distinguer les hybrides fantastiques des mythologiques: ce derniers sont tous dotés d’un nom propre et, le plus souvent, les textes qui les décrivent ne posent pas le problème de leur réalité (les sirènes sont des créatures réelles encore au XVIe siècle)[33]. Enfin, se trouvent les représentations allégoriques issues de la littérature humaniste; il s’agit principalement de personnalisations de principes moraux ou naturels sous la forme d’êtres polymorphes. Dans la suite de cette recherche, il s’agira de se focaliser sur ces hybrides allégoriques.

    Ce qui doit être souligné, c’est que les images hybrides médiévales n’ont pas pour but d’amener à une interprétation univoque et figée: l’enluminure d’un texte hébreu dans laquelle apparaît un homme avec une tête d’oiseau peut être lue comme un simple élément comico-décoratif, comme une manière de contourner l’interdiction de représenter les visages humains, comme une allusion à la sainteté, comme une manière de parodier les activités humaines, comme une référence à l’image caricaturale du nez des juifs, mais, également, comme une accumulation de plusieurs de ces sens possibles.

     3. La codification des allégories à la fin du XVIe siècle

    Il est important de garder à l’esprit le fait que, bien que dépendante d’une tradition et, de ce fait, soumise à des conventions, l’image médiévale ne répond à aucune forme de normes écrites. À ce titre, il est possible d’affirmer qu’elle n’est pas encore codifiée[34]. De plus, l’image n’est jamais hors contexte: des enluminures comiques, parodiques voire obscènes peuvent illustrer des textes sacrés sans que la sensibilité des lecteurs, femmes et clercs compris, ne s’en trouve affectée. La question qui vient alors à l’esprit est simple: à quel moment cette complexité herméneutique se voit-elle réduite, simplifiée, censurée? Pour tenter d’y répondre, ou du moins pour proposer des hypothèses de lecture allant dans ce sens, nous voudrions partir d’un cas particulier qui se situe dans le champ de l’iconographie. Nous nous proposons de montrer comment le dispositif fondamental qui établit la distinction entre l’homme et l’animal et qui, ce faisant, définit l’humanité de l’homme, ne se manifeste pas nécessairement en produisant des images mais, au contraire, en les faisant disparaître.

    En 1593, Cesare Ripa écrit ce qui deviendra un des plus importants répertoires allégoriques de la Modernité[35]: depuis sa première édition, son Iconologia est sans cesse rééditée et réélaborée jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et les artistes de toute l’Europe s’en sont servi comme modèle[36]. Relégué en marge au XIXe siècle, le manuel de Ripa est redécouvert en 1932 par Emile Mâle[37]. L’école warburgienne et Erwin Panosky, quant à eux, rendent célèbre le traité de Ripa en le citant au sein de leurs interprétations iconologiques[38].

    L’Iconologia est un manuel qui présente aux lecteurs, par ordre alphabétique, des allégories définies comme «le Imagini fatte per significare una diversa cosa, da quella che si vede con l’occhio»[39]. À chacune d’entre elles, Ripa consacre un bref chapitre (des sortes d’entrées de dictionnaires avant l’heure), composé d’un titre correspondant au nom de l’allégorie et d’un texte décrivant et interprétant la figura allégorique et ses attributs. À partir de l’édition de 1603, des illustrations sont ajoutées à l’ensemble de textes de façon à graver en image une des possibles variantes des allégories en question[40]. Cette entreprise apparaît comme un moyen de dépasser le conflit entre texte et image, de lier les différentes traditions artistiques et littéraires pour créer «une langue de synthèse», «une langue de pictogrammes»[41].

    Ces images allégoriques sont composées d’une figure principale («partie fixe») et d’un ou plusieurs attributs («partie mobile»)[42]. La typologie la plus fréquente consiste en une partie fixe humaine et une partie mobile animale[43]. Parmi les cent cinquante et une illustrations, on compte seulement cinq représentations d’hybrides homme-animal (sans compter les personnages ailés, assimilés à l’iconographie chrétienne), quatre pour la partie fixe («la Fraude», «l’Inganno», «il Terrore» et «il Mondo»), et une pour la partie mobile (le fleuve Po). Fraude est une femme bicéphale, aux pieds de rapaces et à la queue de scorpion[44]; Inganno est un homme élégant qui cache, à la place des jambes, deux queues de serpent[45]; Terrore est un homme à tête de lion[46]; Mondo est représenté par le dieu Pan[47]; le fleuve Po, enfin, est un homme à tête de taureau qui accompagne la Lombardia, représentée par une belle femme aux bras chargés de dons[48].

    Des études récentes[49] ont démontré que la source principale de Ripa est le traité de Vincenzo Cartari, les Imagini de i dei degli antichi[50]. Il s’agit d’une œuvre rattachée à la «mythographie»[51], un courant littéraire réunissant les différentes versions et variantes des récits mythologiques, de Homère à Boccace, le plus souvent accompagnées de leurs interprétations allégoriques. Le livre de Cartari est composé de seize chapitres, chacun d’entre eux étant dédiés à une divinité issue de la mythologie gréco-romaine. Quatre des cinq figures hybrides de Ripa sont tirées de Cartari: Terrore et Fraude sont exclusivement décrites dans le texte de Cartari[52] alors que Pan et le fleuve Po sont également illustrés[53]. Ce qui change toutefois entre les deux ouvrages, c’est la proportion de figures hybrides par rapport aux autres images: à cause du grand nombre d’hybrides qui s’y trouvent représentés, Jean Seznec a défini l’œuvre de Cartari comme une «mythographie monstrueuse»[54]. En effet, chez Cartari, les représentations hybrides homme-animal sont au nombre de dix-huit sur quatre-ving-huit[55], alors que chez Ripa il n’en reste que cinq sur cent cinquante et une. Il faut également préciser que les autres sources de Ripa, telles que les Emblemata (1551) d’Andrea Alciato et les Hieroglyphica (1556) de Piero Valeriano, ne sont pas moins riches en figures hybrides[56].

    Les gravures qui illustrent les ouvrages de Cartari, Alciato et Valeriano, bien que réalisées dans la seconde moitié du XVIe siècle, participent encore de la complexité qui caractérisait l’image au Moyen Âge. D’une part, les représentations allégoriques sous forme de monstres et d’hybrides, parfois si complexes que le lecteur doit se référer au commentaire pour les comprendre, sont fréquentes. D’autre part, n’est pas conféré à l’allégorie un sens unique et univoque. Chez Alciato, par exemple, le motif du satyre apparaît dans trois illustrations différentes et représente alternativement la Luxuria, la Natura et In subitum terrorem[57].

    Cependant, le statut de l’image allégorique change radicalement en l’espace d’une trentaine d’années. Ripa n’invente presque rien: il sélectionne des images et des interprétations allégoriques. Pour le dire simplement, il réduit et ordonne la matière traitée dans ses sources. Alors que chez ses prédécesseurs l’image jouait le rôle d’illustration d’un texte complexe et «polysémique»[58], Ripa met progressivement en place un langage dans lequel chaque image-concept tend vers un seul sens. Dans ce but, il simplifie les illustrations, en supprimant les fonds et les paysages, en isolant les figures principales et, surtout, en privilégiant la figure humaine. Ainsi, Ripa affirme dans sa préface que l’«Imagine non si può dimandare in proposito nostro quella, che non hà forma dell’huomo»[59]. De plus, il est important de souligner que certaines personnifications de Ripa ont assimilé les principes de la physiognomonie, faisant de ces «parties fixes» humaines le moyen même de l’expression du concept qu’elles symbolisent[60]. Dans ces cas, l’humain n’a plus besoin de l’animal pour faire sens.

    Comme dit plus haut, le succès de l’Iconologia est immédiat et dure jusqu’à la fin du XVIIIe siècle; parmi les nombreuses raisons qui pourraient expliquer ce phénomène, il faut tenir compte des traductions et des rééditions qui ont cours en Italie, en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et en France. Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur la traduction française de Jean Baudoin, qui joue un rôle important dans notre affaire[61].

    Baudoin est choisi par Richelieu en personne pour intégrer l’Académie française qui vient d’être créée. Écrivain et érudit, il est avant tout traducteur, principalement de textes contemporains, comme les œuvres de Francis Bacon, auxquelles il consacre une grande partie de sa carrière[62]. Son travail de traduction peut être décrit comme une entreprise de «clarté et uniformisation» du texte source[63]. Ainsi, sa traduction de l’Iconologia n’est pas une translation fidèle du texte de Cartari puisqu’il opère des modifications de deux types. Premièrement, il poursuit le processus de désanimalisation des figures allégoriques issues de la tradition humaniste (en éliminant un des hybrides de Ripa, le Pan représentant le Mondo), augmentant légèrement le nombre de personnifications munies d’ailes[64]. L’hybride issu de la littérature humaniste disparaît donc progressivement et cède sa place au seul hybride qui semble acceptable dans ce nouveau système, la figure ailée tirée de la tradition iconographique chrétienne (et, depuis peu, proprement catholique). Deuxièmement, il ajoute des éléments qui renvoient directement au pouvoir monarchique absolutiste en pleine expansion – en insérant notamment des éléments typographiques correspondant aux motti des rois Charles IX et Henri III[65]. Baudoin peut donc être considéré comme un agent conscient de la centralisation du pouvoir et du savoir tel qu’elle se met en place à l’époque de Louis XIII (alors que Louis XIV est encore enfant). De plus, son initiative d’introduire et de diffuser Ripa en France à travers les voies officielles peut être analysée comme la manifestation d’une véritable politique culturelle.

    Dans ce cadre, la sélection de certaines images allégoriques au détriment d’autres, la suppression des hybrides «humanistes» et l’attribution d’une signification tendant à l’univocité, revêtent une importance capitale. Comme l’a noté Jean Starobinski, au XVIIIe siècle, la «fable», à savoir «l’ensemble des notions reçues, touchant les divinités du paganisme»[66], devient «la condition même de la lisibilité du monde culturel tout entier»[67]. La connaissance des allégories héritées de la tradition littéraire gréco-romaine devient, de facto, une clé indispensable pour la compréhension des œuvres des artistes et des poètes. Celle-ci fait partie du «code sémiologique»[68] sans lequel aucun homme ne peut se définir comme cultivé, comprendre le milieu esthétique dans lequel il vit, ni même aspirer à fréquenter la haute société.

    À partir du XVIIe siècle, c’est bien du langage culturel qui sera partagé durant près de deux siècles, dans toute l’Europe, dont il est question. Et il faut relever le fait que l’ambiguïté de l’hybride homme-animal n’entre pas dans ce nouveau vocabulaire. La question de la différence entre l’homme et l’animal et donc, la question fondamentale de la définition de l’humain disparaît progressivement du champ des savoirs esthétiques, philosophiques et religieux. Mais ceci, seulement pour réapparaître ailleurs et de façon bien plus dramatique.

    4. De l’hybride au sauvage

    Jusqu’à la moitié du XVIe siècle, les images et les narrations mythologiques – y compris les monstres et les hybrides – sont considérées comme des manières d’accéder à la connaissance de la réalité morale et naturelle du monde. Même si les peuples anciens ont oublié la vérité contenue dans les Écritures, ils ont élaboré une forme de sagesse et l’ont répandue grâce à leurs fables. Et, surtout, les variations et les interprétations possibles de ces images et de ces narrations sont infinies.

    Ensuite, pour Cesare Ripa – et plus encore pour ses nombreux traducteurs ou héritiers ainsi que pour les artistes qui s’inspirent de ses œuvres – les images hybrides ne sont plus un moyen de représenter la réalité physique ou des qualités morales. La nature humaine est considérée comme une donnée claire, elle ne nécessite pas d’explication ultérieure, pas plus d’attributs que d’ornements, et ne souffre d’aucune ambiguïté. L’être humain est immédiatement humain, complet et parfait en soi, reconnaissable dans ses variables simples: vieux ou jeune, homme ou femme. Dans le champ des savoirs, très peu d’images hybrides sont encore utilisées et celles qui demeurent sont d’ordre esthétique. Elles ont perdu toute connotation épistémologique ainsi qu’éthique. Les représentations de sirènes, de gorgones et de centaures, ainsi que certaines décorations grotesques[69], appartiennent à un registre exclusivement fictif, à savoir artistique, décoratif ou narratif. Elles illustrent les récits dont ces créatures sont les protagonistes, ou sont présentes dans les gravures qui reproduisent des découvertes archéologiques. Les représentations hybrides conservent une valeur allégorique seulement lorsqu’elles font partie d’un imaginaire classique, partagé et codifié: il s’agit, par exemple, des satyres, symboles anciens et topiques de la luxure, dont le caractère devient de plus en plus exclusivement érotique et badin.

    Pourquoi, donc, au moment de la codification systématique des images allégoriques d’origine mythologique, à la fin du XVIe siècle, la représentation des hybrides homme-animal, si répandue au Moyen Âge, est-elle systématiquement mise à l’écart ? Cette transformation s’explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, le Concile de Trente répond à l’iconoclasme des réformes protestantes en imputant une fonction exclusivement éducatrice aux images sacrées et, dans le même temps, en instituant une forme de censure officielle[70]. Ainsi s’explique, par exemple, la disparition des fantasticherie mystico-religieuses, caractéristiques de l’humanisme florentin, au profit d’une obsession pour la mimesis, pour la nature et sa juste représentation. Dès lors, une partie importante de la valeur d’une image dépend de sa capacité à être immédiatement reconnaissable comme «vraie» ou «fausse». Bien que science et religion soient habituellement considérées comme opposées, à y bien regarder, l’image a la même valeur dans le champ du religieux que dans le champ scientifique: la représentation acquiert sa légitimité de sa vérité, de son univocité, de sa clarté. Elle illustre une expérience ou reproduit un objet qui existe dans la réalité. Qu’il soit visible à travers les nouveaux instruments optiques ou les visions de saints, l’objet représenté est considéré comme tout à fait réel.

    En second lieu – comme cela a déjà été mentionné – la codification des images allégoriques ainsi que la rédaction de dictionnaires[71] garantissant la complète et univoque compréhensibilité des images sont contemporaines de la centralisation du pouvoir politique. Elles sont accompagnées par la naissance d’un langage esthétique commun à ceux qui ont accès à la culture et au savoir officiels.

    Enfin, le développement et la diffusion de différentes techniques de gravure, avec sa potentialité de reproductibilité infinie, alimente la curiosité des lecteurs pour des objets du réel invisibles car trop petits, trop grands ou trop distants pour être observés directement: le système circulatoire, les astres, les paysages exotiques avec leur lot de plantes, d’animaux et d’artefacts.

    Les conséquences de toutes ces innovations sont évidentes. Dans une drôlerie telle que celle de l’Histoire du Graal du XIIe siècle  commentée par Baltrušaitis[72]

     

  2. (ill. 1)

    – qui n’est pas sans rappeler celle de l’Ambrosiana – les allusions et les sens s’accumulent jusqu’à la rendre inépuisable. Elle fait référence à la tradition carnavalesque du monde à l’envers, à la fête, au déchaînement sexuel, au renversement des règles de la vie quotidienne. De plus, les animaux possèdent une ou plus interprétations conventionnelles, exactement comme les vêtements, les poses et les gestes des protagonistes de la représentation. Plus tard, les représentations d’hybrides homme-animal seront tout simplement perçues comme vraies (les prodiges, ou, si l’on préfère, les caprices de la nature) ou fausses (les produits de l’imagination).

    Une question demeure toutefois sans réponse. Nous avons déjà affirmé que la disparition des hybrides «épistémologiques» issus de la tradition humaniste est un signe évident, visible, de l’activité du dispositif politique fondamental qui, en s’arrêtant sur la frontière entre l’homme et l’animal, définit continuellement l’humanité de l’homme. L’ambiguïté grâce à laquelle la machine anthropologique effectue son perpétuel travail de redéfinition de l’humain disparaît graduellement des lieux de culte et des textes sacrés, puis des livres d’emblèmes et des allégories. Toutefois, pour fonctionner, la machine anthropologique a besoin de cette frontière, de cette ambiguïté, qui ne peut donc tout simplement pas disparaître. Elle peut seulement se déplacer, se repositionner.

    Les découvertes géographiques et la curiosité populaire qui les accompagne, la volonté politique de connaître et de dominer les nouveaux territoires, la nouvelle mentalité scientifique, le goût artistique pour la mimesis et les nouvelles possibilités offertes par l’imprimerie et par la gravure permettent l’essor de nouveaux genres scientifiques et littéraires.

    Ainsi les récits de voyage engendrent des champs d’études qui donneront naissance, dès le XVIIIe siècle, aux disciplines anthropologique, ethnographique ou celles relevant des religions comparées[73].

    C’est autour de la notion de sauvage que peut être saisi le déplacement progressif des frontières entre homme et animal. L’homme sauvage est un type iconographique courant dans l’iconographie médiévale et moderne; à la frontière entre l’homme et l’animal ce quadrupède velu erre au sein des mêmes espaces que les hybrides au Moyen Âge[74]. Or, au XVe siècle, le «vrai» sauvage, avec sa culture, ses rituels et ses objets manufacturés, celui que les Occidentaux pensent avoir «découvert», remplace progressivement les hybrides et les monstres[75]. Mais le sauvage médiéval ne disparaît pas pour autant.

    La représentation de l’indigène «exotique» correspond parfaitement aux nouveaux critères de l’image: elle est vraie, elle reproduit la réalité, la nature. De plus, elle assume une fonction pédagogique, car elle montre, par contraste, ce que sont la «culture», la «civilisation» ainsi que la «vraie religion». Toutefois, l’image du sauvage exotique n’est ni neutre ni objective. Lorsque les premiers explorateurs entrent en contact avec les Amérindiens, ils sont particulièrement frappés par leurs parures de plumes et les hochets dont ils se servent durant leurs cérémonies.

    Cependant, cette représentation dépend plus de la convention iconographique que de l’observation. En effet, depuis le Moyen Âge, la tête ornée de plumes et le hochet d’enfant accompagnent fréquemment les représentations de l’insipiens, le fou, athée ou mécréant[76].

    Les plumes et les hochets deviennent indissociables d'une nouvelle image de l’Altérité, l’Amérindien et, de la même manière, d’autres attributs déjà répandus dans plusieurs types de représentations seront associés indifféremment aux habitants des nouvelles colonies, tels que la nudité, la pilosité, la carnation foncé, le cannibalisme, une certaine frénésie dans les mouvements qui contraste avec la posture érigée des hommes «civilisés».

    C’est donc bien la définition de l’humanité qui est mise en jeu dans la représentation du sauvage. Il se situe sur la frontière entre l’homme et l’animal, il est cette frontière, cette inquiétante ambiguïté.

    Au vu de sa proximité avec la nature, de son manque de culture, de religion, de raison, d’habits, l’indigène pose la question de l’humain.

    Mais faut-il chercher son humanité, si son aspect et son esprit apparaissent, aux yeux des commentateurs de l’époque, comme une bête imitation de l’homme civilisé?

    Il faudra alors commencer à chercher ailleurs, bien plus en profondeur, les traces d’une humanité objective qui repose dans les méandres de son corps. Bientôt, la question de la différence entre homme et animal, de l’humanité de l’homme, n’appartiendra plus à la religion, à la philosophie ou à l’art, mais à la biologie[77].

  3.  Références des illustrations:

    Ill. 1: Personnages déguisés, in A. Robert de Borron, Histoire du Graal, Paris, B. N., FR. 95, reproduit in J. Baltrušaitis, Réveils et prodiges. Le gothique fantastique, Armand Colin, Paris 1960, p. 215, fig. 12. 

  4.  


    [1] G. Agamben, L’aperto. L’uomo e l’animale, Bollati Boringhieri, Torino 2002, pp. 81-82, (trad. française L’ouvert. De l’homme et de l’animal, Rivages, Paris 2002, pp. 119-120).

    [2] Ibid., p. 23 (trad. française pp. 28-29)

    [3] Cf. M. L. Gengaro et al., Codici decorati e miniati dell' Ambrosiana, ebraici e greci, Ceschina, Milano 1959; A. Luzzatto et L. Mortara Ottolenghi, Hebraica ambrosiana, Il Polifilo, Milano 1972; E. von Voolen, Jüdische Kunst und Kultur, Prestel, München-Berlin-London-New York 2006, pp. 46-47.

    [4] G. Agamben, op. cit., pp. 9-11 (trad. française p. 12).

    [5] Les enluminures représentant David et Adam et Ève sont reproduits dans les illustrations 18 et 19 de M. Dukan, La vente et le prêt du livre. Le livre, le mort et le vivant, in C. Sirat (éd.), La conception du livre chez les piétistes Ashkénazes au Moyen Age, «Histoire et civilisation du livre», 23, Droz, Genève 1996, p. 144.

    [6] Cfr. B. Narkiss, Hebrew Illuminated Manuscripts from Jerusalem Collections, The Israel Museum, Exhibition Catalogue n. 40, 1967; B. Narkiss, Hebrew Illuminated Manuscripts, in Encyclopedia Judaica, Keter Publishing Company, Jerusalem 1969; J. Gutmann, Hebrew manuscript painting, Braziller, New York 1978; M. Metzger, T. Metzger, Jewish Life in the Middle Ages. Illuminated Hebrew Manuscripts of the Thirteenth to the Sixteenth Centuries, Alpine Fine Arts Collection, New York 1982; G. Sed-Rajna, The Hebrew Bible in Medieval Illuminated Manuscripts, Rizzoli, New York 1987; M. Dukan, op. cit.; M. M. Epstein, Dreams of Subversion in Medieval Jewish Art and Literature, The Pennsylvania State University Press, University Park, Pennsylvania 1997.

    [7] Cfr. G. Sed-Rajna, Le Maḥzor enluminé. Les voies de formation d'une programme iconographique, E. J. Brill, Leiden 1983.

    [8] Cfr. M. Metzger, La Haggadah enluminée, E. J. Brill, Leiden 1973.

    [9] Cfr. Jewish Encyclopedia, Judah ben Samuel he-Hasid of Regensburg, Funk & Wagnalls, New York 1906, vol. VII, pp. 356-358.

    [10] Cfr. M. Weinreich, History of the Yiddish Language, University of Chicago Press, Chicago-London 1980, p. 227.

    [11] Cfr. M. Camille, The Gothic Idol. Ideology and Image-Making in Medieval Art, Cambridge University Press, Cambridge 1989.

    [12] Cfr. V. B. Moreen, Miniature Paintings in Judeo-Persian Manuscripts, Union College Press, Cincinnati 1985.

    [13] Cfr. B. Narkiss, A. Cohen-Mushlin, The Illumination of the Worms Maḥzor, in M. Beit-Arie (éd.), Worms Maḥzor. Introductory Volume, Cyelar, Vaduz 1985, pp. 79-89.

    [14] Z. Ameisenowa, Animal-Headed Gods, Evangelists, Saints and Righteous Men, in «Journal of the Warburg and Courtauld Institutes», 12, 1949, pp. 21-45.

    [15] Ameisenowa cite justement F. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain, Leroux, Paris 1906.

    [16] Z. Ameisenowa, op. cit., p. 29.

    [17] Cfr. M. Baruzzi, M. Montanari (éds.), Porci e porcari nel Medioevo. Paesaggio, economia, alimentazione, Clueb, Bologna 1981.

    [18] Cfr. A. Zanca, La pulizia del corpo nel Medioevo, Schering-Plough, Milano 1992.

    [19] Cet exemple est commenté par J. Céard, La nature et les prodiges. L’insolite au XVIe siècle, Droz, Genève 1996, p. 36. Sur le thème des engendrements monstrueux, cfr. R. Muchembled, Une histoire du diable, XIIe-XXe s., Seuil, Paris 2000 e R. Villeneuve, Le Musée de la bestialité, H. Veyrier, Paris 1973, tous deux cités par F. Thénard-Duvivier, Hybridation et métamorphoses au seuil des cathédrales, in «Images Re-vues», 6, 2009.

    [20] Cfr. M. Pastoureau, L’animal, in J. Dalarun (éd.), Le Moyen Âge en lumière, Fayard, Paris 2002, pp. 65-105.

    [21] J. Baltrušaitis, Le Moyen Âge fantastique, Armand Colin, Paris 1955 et Id., Réveils et prodiges. Le gothique fantastique, Armand Colin, Paris 1960.

    [22] J. Wirth, Les marges à drôleries des manuscrits gothiques, avec la collaboraton et les contributions d’I. Engammare, A. Bräm, H. Braet, F. Elsig, A. Fisch Hartley, C. Frossart, Droz, Genève 2008.

    [23] Cfr., inter alia, G. Lascault, Le monstre dans l’art occidental: un problème esthétique, Klincksieck, Paris 1973; J. Le Goff, L’imaginaire médiéval, Gallimard, Paris 1985, pp. 17-39; J.-C. Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie médiévale, Gallimard, Paris 2001, pp.147-152; J. Le Goff, N. Truong, Une histoire du corps au Moyen Âge, Liana Levi, Paris 2003, pp. 163-16; G. Bartholeyns, P.-O. Dittmar, V. Jolivet (éds.), Image et transgression au Moyen Âge, PUF, Paris 2008, pp. 22-34.

    [24] Cfr. J. Wirth, Qu’est-ce qu’une image?, Droz, Genève 2013, pp. 65 e ss.

    [25] M. Pastoureau, op. cit., p. 97.

    [26] Ibid.

    [27] Cfr. J. Wirth, L’image à l’époque gothique, Cerf, Paris 2010, p. 79.

    [28] M. Pastoureau, op. cit., p. 95.

    [29] Nous remercions Jean Wirth dont les conseils et suggestions ont permis notamment de dresser cette typologie de l’hybride.

    [30] Ibid., p. 96.

    [31] Cfr. les études de Baltrušaitis citées en note 20.

    [32] Sur les hybrides durant l’Antiquité, cfr. P. Li Causi, Generare in comune. Teorie e rappresentazioni dell’ibrido nel sapere zoologico dei Greci e dei Romani, Palumbo, Palermo 2008 et I. Baglioni (éd.), Monstra. Costruzione e percezione delle entità ibride e mostruose nel Mediterraneo Antico, 2 voll., Quasar, Roma 2013. Dans la désormais classique étude de J. Céard, La nature et les prodiges, cit., on trouvera de nombreuses références à l’histoire de la réception de la littérature antique des monstres et prodiges du Moyen Âge à la fin du XVIIe siècle.

    [33] G. Bartholeyns, P.-O. Dittmar, V. Jolivet (éds.), Image et transgression au Moyen Âge, cit., p. 28.

    [34] Ibid., p. 11.

    [35] C. Ripa, Iconologia overo Descrittione dell’imagini universali cavate dall’Antichità et da altri luoghi, Eredi di Giovanni Gigliotti, Roma 1593.

    [36] Cfr. V. Bar, Dictionnaire iconologique. Les allégories et les symboles de Cesare Ripa et Jean Baudoin, Faton, Dijon 1999 e Id., La peinture allégorique au Grand Siècle, Faton, Dijon 2003, pp. 15-17.

    [37] E. Mâle, L’Art religieux de la fin du XVIe siècle, du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. Etudes sur l’iconographie après le Concile de Trente (1932), Armand Colin, Paris 1972, p. 411.

    [38] Cfr. inter alia, A. Warburg, Gesammelte Schriften, Teubner, Leipzig -Berlin 1932 e E. Panofsky, Studies in Iconology. Humanistic Themes in the Art of the Renaissance, Oxford University Press, New York 1939. Sur la méthode iconologique, cfr. G. De Tervarent, L’iconologie au XXe siècle, in «Journal des savants», 1965, pp. 584-589 et C. Harbison, Iconography and Iconology, in B. Ridderbos, A. Van Buren, H. Van Veen (éds.), Early Netherlandish Paintings. Rediscovery, Reception and Research, Getty Publications, Los Angeles 2005.

    [39] C. Ripa, Proemio a’ lettori, in Id., Iconologia, cit.

    [40] C. Ripa, Iconologia overo Descrittione dell’imagini universali cavate dall’Antichità et da altri luoghi, Lepido Facii, Roma 1603.

    [41] Les entreprises «emblématiques» du XVIe siècle sont définies en ces termes par Marc Fumaroli dans son Introduction, in L. Bolzoni, S. Volterrani, Con parola brieve e con figura. Emblemi e imprese fra antico e moderno, Scuola Normale Superiore, Pisa 2008, pp. 1-4.

    [42] G. Mino, Per un’introduzione al Ripa: il catalogo e la catena di montaggio, in M. Gabriele, C. Galassi, R. Guerrini (éd.), L’Iconologia di Cesare Ripa. Fonti letterarie e figurative dall’Antichità al Rinascimento, Olschki, Firenze 2013, p. XI.

    [43] Sur les attributs animaux des allégories de Ripa, cfr. G. Cherchi, Tra animato e inanimato: gli animali in Cesare Ripa , in L’Iconologia di Cesare Ripa, cit., pp. 83-96 et M. Wiedemann, Les animaux allégoriques de l’Iconologie de César Ripa et Jean Baudoin , in «Figures de l’art», Publications de l'Université de Pau, 8 , 2003-2004, pp. 71-99.

    [44] C. Ripa, Iconologia… (1603), cit., p. 174. L’édition romaine de 1603 a été digitalisée par l’Universitätsbibliothek Heidelberg.

    [45] Ibid., p. 229.

    [46] Ibid., p. 485.

    [47] Ibid., p. 331.

    [48] Ibid., p. 274.

    [49] Cfr. S. Maffei, Introduzione, in C. Ripa, Iconologia, éd. S. Maffei et P. Procaccioli, G. Einaudi, Torino 2012 et C. Nicosia, Dalla mitografia all’iconologia. L’origine rinascimentale della scienza delle immagini, in «Rara volumina», I, 2, 2004, pp. 85-105.

    [50] V. Cartari, Imagini de i dei degli Antichi (editio princeps), F. Marcolini, Venezia 1556, et la première édition illustrée V. Valgrisi e F. Ziletti, Venezia 1571. Cette première édition illustrée a été digitalisée par l’Osterreichische Nationalbibliothek. Les images peuvent également être consultées sur l’Iconic Database del Warburg Institute.

    [51] Cfr J. Seznec, La survivance des dieux antiques, The Warburg Institute, Londres, 1940, et, plus récemment, S. Maffei (éd.), Vincenzo Cartari e le direzioni del mito nel Cinquecento, GB, Roma 2013.

    [52] V. Cartari, op. cit., pp. 173-4 e 484. Cfr. S. Maffei, Le radici antiche dei simboli. Studi sull’Iconologia di Cesare Ripa e i suoi rapporti con l’antico, La Stanza delle Scritture, Napoli 2009, pp. 77-79. Un groupe de chercheurs, en collaboration avec l’Université de Bergamo, a créé un site Internet dédié à Ripa et Cartari.

    [53] Ibid., pp. 330 e 265. Nous n’avons pas trouvé la source du cinquième hybride de Ripa, l’Inganno. Il est tout de même possible de mentionner une représentation proche dans la gravure de C. Cort et F. Zuccaro, la Calomnia di Apelle (1572), citée par M. Vasselin, Le corps dénudé de la Vérité, in «Rives nord-méditerranéennes», 30, 2008.

    [54] J. Seznec, op. cit, p. 225.

    [55] V. Cartari, ibid., pp. 71, 96, 116 (2), 132, 223, 244, 253, 258, 262, 264, 285, 293 (2), 335, 419, 423, 439.

    [56] Cfr. S. Cohen, Animals as Disguised Symbols in Rennaissance Art, Brill, Leiden-Boston 2008.

    [57] A. Alciato, Emblemata, Lyon, G. Roville, 1551, pp. 80, 106 e 134 (Gallica, Biblioteca digitale della BnF).

    [58] Sur la mythographie et son caractère polysémique, cfr. F. Graziani, Mythe et allégorie ou l’arrière-pensée des poètes, in P. Cazier (éd.), Mythe et création, Presses Universitaires de Lille, Villeneuve d’Ascq 1994, pp. 145-157 et Id., La mythographie comme science poétique à la Renaissance , in J. Fabre-Serris (éd.), Des dieux et du monde. Fonctions et usages de la mythographie, in «Ateliers», 38, 2007, pp. 123-134.

    [59] C. Ripa, Proemio a’ lettori, in Iconologia, cit.

    [60] C. Balavoine, Des Hieroglyphica à l’Iconologia, in P. Barocchi, L. Bolzoni (éds.), Repertori di parole e immagini. Esperienze cinquecentesche e moderni databases, Scuola Normale Superiore, Pisa 1997, p. 88.

    [61] Sur la traduction française de Baudoin, cfr. note 31 ainsi qu’A.-E. Spica, Jean Baudoin et la fable, in «XVIIe siècle», III, 216, 2002, pp. 417-431 et A. Gaillard, L’Iconologie de Ripa traduite par Baudoin: une logique des images au temps de Le Sueur, in J. Serroy (éd.), Littérature et peinture au temps de Le Sueur, Musée de Grenoble, Grenoble 2003, pp. 17-24.

    [62] Cfr. H. F. Kynaston-Snell, Jean Baudoin et les Essais de Bacon en France jusqu’au XVIIIe siècle, Thèse de Doctorat, Université de Clermont, Paris 1939 e J.-P. Cavaillé, Introduction, in F. Bacon, La sagesse des anciens, Vrin, Paris 1997.

    [63] C. Balavoine, op. cit., p. 67.

    [64] Chez Ripa (1603), les personnifications munies d’ailes sont au nombre de 19 (pp. 19, 22, 96, 97, 102, 172, 178, 221, 308, 393, 399, 401, 410, 460, 461, 463, 469, 511, 519 ) et chez Baudoin (1644), on en compte 25 ( nn. V, VI, IX, XI, XV, XVII, XXXVI, XXXVII, LII, LVI, LXVI, LXXVI, LXXXI, LXXXIV, LXXXVII, XCIII, CXIV, CXIX, CXXVI, CXXVII, CXLII, CLI, CLVI, CLXVII, CLXXIII).

    [65] M. Chaufour, Les enjeux politiques de l’allégorie: le Ripa gallican de Baudoin, en cours d’impression dans les actes du colloque S’exprimer autrement: poétique de l’allégorie à l’âge classique (York University, Toronto, 10 mai 2014).

    [66] J. Starobinski, Le Remède dans le mal. Critique et légitimation de l’artifice à l’âge des Lumières, Gallimard, Paris 1990, p. 233.

    [67] Ibid., p. 234.

    [68] Ibid., p. 236.

    [69] Cfr. A. Chastel, Le fragmentaire, l’hybride, l’inachevé, in Id., Fables, formes, figures (1957), vol. II, Flammarion, Tours 1978 , pp. 33-44.

    [70] Cfr. S. Gruzinski, La guerre des images de Christophe Colomb à Blade Runner (1492-2019), Fayard, Paris 1990.

    [71] J. Starobinski, op. cit., pp. 235 ss.

    [72] Baltrušaitis, Réveils et prodiges..., cit., fig. 12.

    [73] Cfr. Ph. Borgeaud, Aux origines de l’histoire des religions, Seuil, Paris 2004. Nous tenons au passage à remercier Philippe Borgeaud pour ses conseils et suggestions dans le cadre de cette enquête.

    [74] Cfr. le catalogue désormais classique: The Wild Man. Medieval Myth and Symbolism, T. Husband (éd.), Metropolitan Museum of Art, New York 1980 ainsi que les études plus récentes de F. Pouvreau, L’homme sauvage dans l’iconographie alpine à la fin du Moyen Âge. D’une figure du désordre à un usage apotropaïque des images, in L’homme et l’animal sauvage /Mensch und Wildtiere, Chronos Verlag, Zurich 2010, pp. 27-44 et C. Vareille-Dahan, Nabuchodonosor en homme sauvage (Autour de la tapisserie de Langeais), in Art sacré, num. 27: Tapisseries & Broderies. Relectures des mythes antiques et iconographie chrétienne, Actes du colloque d’Angers (4-6 oct. 2007), 2009, pp. 103-119 et Id. L’homme sauvage aux murs des palais, Le palais et son décor au temps de Jean de Berry, A. Salamagne (éd.), Presses Universitaires François-Rabelais, Tours 2010, pp. 183-195.

    [75] Sur les liens entre les premières représentations des Amérindiens et le répertoire du monstrueux, cfr. B. Bucher, La sauvage aux seins pendants, Hermann, Paris 1977, pp. 149-158.

    [76] Cfr. F. Pomel (éd.), Cornes et plumes dans la littérature médiévale, PUR, Rennes 2010 et M. Marrache-Gouraud, Amérique ? Exotisme ? Marginalité ? Portrait complexe de la plume dans son histoire allégorique, en cours d’impression dans les actes du colloque S’exprimer autrement: poétique de l’allégorie à l’âge classique (York University, Toronto, 10 mai 2014). Sur l’insipiens, cfr. J.-M. Fritz, Le discours du fou au Moyen-Âge, PUF, Paris 1992.

    [77] Cfr. M. Foucault, Il faut défendre la société. Cours au Collège de France (1975-1976), Seuil, Paris 199

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